Début de la conférence

Voilà la méthode : suivre le chemin déjà parcouru par un autre

À Grenoble, la présentation du livre « Ce qui ne meurt jamais » de Takashi Nagai, devient une occasion de reprendre espoir et recommencer le chemin vers ce qui ne meurt pas

Combien de personnes répondront à l’invitation pour la conférence de Paola Marenco ? Le sujet est méconnu de la plupart des invités Paulo Takashi Nagai un radiologue japonais qui a vécu il y a presque quatre-vingts ans au moment de l’explosion de la bombe atomique sur Nagasaki. Nous avions prévu une soixantaine de place dans la salle de conférence de la maison diocésaine de Grenoble mais au fur et à mesure nous avons dû ajouter d’autres rangées de chaises. Au bout du compte plus de cent personnes sont venues et ont rempli la salle les unes debout les autres assises sur les marches. Qu’est ce qui a pu attirer tant d’amis, de collègues de travail, d’étudiants et aussi d’inconnus auxquels l’invitation était parvenue on ne sait pas trop comment ? « Le chemin d’un homme vers ce qui ne meurt pas » était le sous-titre de l’invitation à la soirée. Pour nous aider à nous introduire à ce chemin nous avons invité Paola Marenco, hématologue de Milan qui a ouvert le centre de greffe de la moelle osseuse à l’hôpital Niguarda et qui est une experte de la vie de Takashi et Midori Nagai. La date du 3 février, choisie par hasard quelques mois auparavant, était celle de l’anniversaire de la naissance de Takashi, quelle coïncidence !

Dans l’introduction, Sylvie a raconté sa première rencontre avec le couple Nagaï. Ces époux étaient devenus des amis pour elle, depuis qu’elle les avait découverts lors de la grande exposition réalisée par Paola, pour le « Meeting pour l’amitié entre les peuples » de Rimini en 2019. À partir de ce moment là elle n’a cessé de « casser les pieds » aux amis de la communauté et à son mari pour inviter Paola à Grenoble pour une rencontre publique. Elle a débuté en nous disant : « J’étais très touchée par le regard d’enfant de Takashi qui, en ayant perdu tout ce qu’il avait réalisé jusque-là : son travail, son hôpital, la plupart de ses étudiants, ses travaux de recherche et surtout sa femme bien-aimée, voyait sa vie devenir plus féconde que jamais ». Et encore : « Tous les jours, je pense que face à mes limites et à l’attachement à tout ce qui meurt je peux recommencer ce chemin vers ce qui ne meurt pas. L’exemple des époux Nagai me donne cette espérance. »

Paola a ensuite donné son témoignage avec une passion et un enthousiasme pour la vie de ce médecin et de sa femme qui a ému tous les participants. Un témoignage plus qu’une conférence sur tout ce qu’elle avait appris en côtoyant les époux Nagai. Ce long chemin de conversion qui a conduit dans les dernières années de sa vie, cet homme à rester totalement face à « Celui » qui ne peut mourir. Voici quelque extraits de son livre : « Ciò che non muore mai » (livre en cours d’édition en français) qui m’ont particulièrement touché. Takashi Nagai parle à la troisième personne du singulier comme cela se fait traditionnellement au Japon mais aussi pour regarder ce qu’un Autre a fait dans sa vie. « Ce qui devait périr, a péri…..toute une vie pour des cendres ! Il ne pouvait pas supporter une vie vide de sens ! Il devait trouver ce qui ne périt pas. Il devait s'accrocher à ce qui ne meurt jamais… » En se promenant sur le désert atomique il a entendu cette phrase : « Le ciel et la terre passeront mais mes paroles ne passeront pas… ». Après ça, la décision la plus importante de sa vie : s’attacher à ce qui ne peut mourir, avancer à son tour sur le chemin parcouru par Midori.

Voilà la méthode, suivre le chemin déjà parcouru par un autre, dans le cas précis, celui de sa femme. Et en parcourant ce chemin doucement les choses deviennent plus claires et deviennent témoignage et aussi occasion d’éducation. Takashi dit : « Je faisais une excellente carrière… Pourtant, je n'étais pas entièrement heureux … la bombe atomique est arrivée et pour la première fois j'ai compris que la seule façon de posséder le bonheur complet est la foi…. Je suis heureux maintenant. Et je prie pour que mes deux enfants puissent aussi avoir ce même cœur… ». Et donc la paix vis-à-vis de soi-même et du monde entier.

Un moment de la conférence

Face à la désolation du désert atomique aucun ressentiment, aucun esprit de vengeance, mais seulement le désir de redonner espérance et paix à des centaines de japonais et d’étrangers, qui venaient le rencontrer dans son Nyokodo. C’est un message d’une actualité incroyable. La vrai paix que nous témoigne Takashi n’est pas le pacifisme des manifestations mais celle de la paix avec soi-même, elle est donc une lutte avec son orgueil. Cette paix a une origine, Celui qui ne meurt pas.

La première chose à laquelle je pense chaque matin en me réveillant, c'est que je suis heureux. Aujourd'hui encore, je suis vivant. [...] Même si je ne peux utiliser que mes mains et ma tête, je me retrouve plein d'enthousiasme comme si j'étais un écolier le matin prêt à partir en excursion. Cette paix même face à la mort qui arrive : « essayez d'imaginer si un beau jour vous receviez une invitation que vous attendiez depuis longtemps, de la part de quelqu'un que vous attendiez depuis si longtemps de rencontrer... pour passer un long moment à parler tout proche de lui... quelle serait votre joie ce jour-là ? La mort est l'invitation de Dieu et c'est avec cette joie au cœur que je l'attends. Je sais combien Dieu est bon et beau et combien il prend soin de moi avec tendresse. Des gens ne supportent pas l'idée de devoir mourir. C'est parce qu'ils ne connaissent pas Dieu ! S'ils savaient combien il les aime, ils n'auraient plus peur …. ».

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À la fin de la conférence Paola a présenté l’association dont elle est vice-présidente « Les amis de Takashi et Midori Nagai ». Une heure et demie s’était écoulée et nous n’avions pas vu le temps passer. Un des invités en arrivant à la soirée m’a dit : « J’espère ne pas pleurer pendant la conférence ! », en pensant sûrement aux images de la bombe nucléaire. À la fin de la soirée, avant de partir, il est venu me revoir avec un grand sourire et avec un visage radieux. « C’est incroyable l’espérance que m’a donné cette histoire ». Un couple de collègues médecins, m’a remercié pour l’invitation. Ces amis ne regrettaient pas d’avoir invité aussi leur fille qui débute les études de Médecine. Après la conférence, j’étais à la sortie de la salle pour saluer un par un les invités et ce qui m’a le plus frappé était leur regard et leurs remerciements les plus sincères à transmettre à toutes les personnes qui avaient organisé la soirée. Certains m’ont fait remarquer aussi le grand soins pour les détails et l’excellent apéritif préparé par Maria Rosa auquel ils n’étaient pas habitués dans ce genre d’événements. En partant je pensais à un passage de l’école de communauté où Don Giussani nous dit : « La vérité ultime est semblable à une belle chose rencontrée en chemin : on la voit et on la reconnaît si on est attentif. Le problème est donc cette attention ». Personnellement je remercie beaucoup Sylvie d’avoir été attentive et de m’avoir cassé les pieds pour que je puisse moi-aussi commencer ce chemin d’attention.
Roberto, Grenoble