(Photo Marques Pereira)

Meeting Lisboa. L'enchantement de l'espérance

L'intelligence artificielle, la conversion de Péguy, le travail au XXIe siècle, l'infini de Pessoa, le ressort d'Andrea Mandelli, la recherche du bien au Goulag... Dans la capitale portugaise, deux jours, les 11 et 12 novembre, pour tout embrasser
Frederico Meira

« Cinq minutes avant la première messe du mouvement, le chant du mouvement est né. Le début du chant du mouvement est le début du mouvement. Il n'y a pas de différence. Le mouvement naît et on chante ». Le début de la première journée du Meeting Lisboa m'a immédiatement rappelé les paroles de don Giussani. J'ai été submergé par l'émotion lorsque je suis entré dans la salle pour assister (de façon inattendue) à un spectacle racontant mon histoire : le mini Meeting. Je ne pouvais pas imaginer ce qui allait se passer. Il y avait les élèves du Collège de São José do Ramalhão (de la sixième et de la septième année) qui, avec l'aide de leurs professeurs, ont pensé à nous faire participer à un moment de chant, né de l'expérience de la rencontre avec don Giussani et le Père João Seabra.

C'est vrai, le Meeting commence et le chant aussi commence ; il n'y a pas de meilleure façon d'exprimer la gratitude pour ce que nous avons rencontré que le chant. J'ai été frappé par ce premier moment du week-end car ces jeunes avaient vraiment quelque chose à m'apprendre : je serai d'autant plus homme que je vivrai avec simplicité face à la réalité, c'est-à-dire que j'apprendrai à chanter comme ces enfants.

La rencontre de la matinée sur l'intelligence artificielle nous a aidés à approfondir notre tentative pour identifier les traits caractéristiques de l'être humain. La machine peut-elle remplacer l'homme ? L'homme possède une forme de connaissance que la machine ne pourra jamais avoir : celle qui s'obtient à travers un rapport avec l'objet, au travers duquel j'apprends sa signification. Le patriarche monseigneur Rui Valério nous a également aidés dans ce travail. Il a ouvert la rencontre avec ces mots : « L'homme peut vivre en communion, en relation avec l'autre ; c'est quelque chose que la machine ne sera jamais en mesure d’imiter ».

Lors de la dernière rencontre de la première journée, l'évêque de Lamego, monseigneur António Couto, nous a rejoints pour un échange sur le thème du Meeting, « Ce qui m'étonne, c'est l'espérance ». L'évêque a commencé par rappeler le dialogue de Jérémie avec Dieu dans le premier chapitre du Livre du prophète Jérémie. À la question de Dieu « Que vois-tu, Jérémie ? », Jérémie répond « C’est une branche d'amandier que je vois ». Dieu lui répond alors : « Tu as bien vu, car je veille sur ma parole pour l'accomplir ». L'amandier, en effet, est le premier à fleurir en hiver et il est donc un signe d'espérance car il préfigure ce qui arrivera à tous les autres : avec le bon engagement et les soins appropriés, tous fleuriront en leur temps.

Ce n'est pas un hasard si, à la fin de la journée, les paroles de l'évêque nous ont confirmé (ou rappelé) que la promesse de Dieu est toujours vivante : « Tu as bien vu », autrement dit, tu ne t’es pas trompé, ce que tu vois se produire devant toi n'est pas le fruit de ton imagination. La fleur d'amandier fleurit maintenant, dans la circonstance présente. C'est pourquoi j'ai également été frappé par ce qu'a dit l'évêque à la fin de la rencontre : nous sommes appelés à la simplicité, à laisser notre vie refléter la certitude que l'amandier est en train de fleurir. Plutôt que de nous limiter à chercher à démontrer comment cela se passe, l'évêque nous a invités à nous exposer, à risquer de vérifier dans notre vie que la promesse annoncée par l'amandier en fleurs est vraie, parce qu'elle se réalise déjà aujourd'hui.



C'est cette même simplicité qui définissait la vie de Péguy sur lequel nos amis ont offert un très beau spectacle qui a clôturé la journée de samedi. Un jour, alors qu'un ami l'interrogeait sur sa conversion, Péguy répondit : « J'ai toujours suivi le même chemin, et c'est ce qui m'a amené là où je suis ». Prenant le risque de suivre ce qui lui arrivait, il a fini par redécouvrir sa foi, comme il le dit lui-même, « dans un événement. Quand cela se produit, cela se produit pour toujours ». Cette rencontre avec le christianisme est partie des faits de la réalité, comme il le dit lui-même, et cela n'a rien enlevé à son humanité ; au contraire, il est resté lui-même, même dans une nouveauté de vie.

Le dimanche s'est ouvert sur la rencontre « Travailler au 21ème siècle : à quoi ça sert ? ». Bernhard Scholz, président du Meeting de Rimini, nous a raconté comment, dans sa propre vie face au problème du travail, émerge la question ultime : et moi, qui suis-je ? Pour que le travail ne devienne pas, à un moment donné, une aliénation par rapport à la réalité, je dois me poser la question du sens de ce que je fais. En fait, cette question émergera toujours. Scholz a donné un exemple : pour payer ses études, il a travaillé pendant plusieurs mois à changer des ampoules électriques toute la journée ; c'était un travail fatigant et il ne l'aimait pas beaucoup. Où trouver la force de continuer, de ne pas abandonner l'idée d'étudier ? Je dois me demander à nouveau : quel sens cela a-t-il, pourquoi est-ce que je fais ça ?

Nuno Pinto Magalhães, l'autre orateur de la rencontre, a donné un indice : le goût, la passion pour le travail se découvrent en « se salissant les mains ». En m'impliquant dans ce que je fais, je découvre, a poursuivi Scholz, que la réponse à la question « Pourquoi je travaille ? » ne se trouve pas dans le travail lui-même. Le christianisme me montre la voie : elle ne dépend pas de ce que je fais, mais du sens de ce que je fais.

L'exposition qui est à l’origine de la rencontre illustrait parfaitement ce point. Au « moi performant » que nous propose le monde d'aujourd'hui, un moi qui se mesure par rapport à ce qu'il est capable de réaliser, le christianisme répond en offrant une hypothèse radicalement différente. Si je me reconnais infiniment, inconditionnellement aimé, je deviens plus créatif, plus efficace, plus intelligent par rapport à la réalité. Par conséquent, je peux plus facilement saisir dans mon travail ce sens que j'ai déjà pressenti dans ma vie à travers l'amour dont je suis l'objet.

Cette même recherche de sens est l'une des caractéristiques principales d'une autre exposition de cette édition du Meeting, « Si je veux, je veux l'infini ». L'histoire de la rencontre que certains d’entre nous (moi compris) ont eue avec Fernando Pessoa découle de la reconnaissance du fait que, comme lui, je cherche avant tout une réponse au cri de mon cœur. Il y a en moi une tension structurelle pour découvrir « l'éternelle nouveauté du monde » à chaque instant et dans chaque petite chose.

L'une des intuitions qui me touche le plus dans toute la poésie de Pessoa est que ce chemin pour découvrir qui je suis ne peut pas être parcouru seul. Il faut quelqu'un, un ami, pour que je continue à cheminer. C’est impressionnant de voir comment Pessoa a écrit le poème suivant après avoir presque constamment douté de l'existence de ce chemin :

L'amour est une compagnie.
Je ne sais plus aller seul par les chemins,
parce que je ne peux plus aller seul nulle part.

« Le Gardeur de Troupeaux », Alberto Caeiro (Gallimard, 1960)

Pessoa a écrit ces vers après être tombé amoureux d'Ofélia Queiroz, avec laquelle il a ensuite eu une liaison. En effet, lorsque quelqu'un se rend compte qu'il est aimé, il aperçoit dans la vie des signes d'espérance. L'amour qu'il a cherché toute sa vie est quelque chose de concret : on le rencontre à travers les personnes, en chair et en os, qui marchent côte à côte avec moi.
La preuve vivante qu'il existe quelque chose d'irréductible dans le cœur humain est l'histoire d'Andrea Mandelli, racontée dans une autre exposition : « Je t’offre mon ressort ». Andrea a saisi un point dramatique de la vie : embrasser les circonstances veut dire embrasser le Christ. Voilà pourquoi ce jeune homme a vécu la maladie qui l'a conduit à la mort à l'âge de dix-neuf ans de manière totalement nouvelle car il avait la claire conscience que sa vocation passait à travers cela.

Rien de son humanité n'a été perdu, au contraire : il est impressionnant de penser que, dans la douleur qu'il éprouvait lorsqu'il était à l'hôpital, il demandait toujours des nouvelles de ses amis. Son amitié avec eux était si profonde qu'il disait : « Ce qui me manque le plus dans la situation dans laquelle je suis, c'est la présence physique du Christ qui est en vous ». De même, sa maladie a été une occasion pour s’apercevoir que toute la réalité est intéressante, parce que tout est une possibilité pour mieux me connaître moi-même, c'est-à-dire de saisir comment, en toute chose, il existe un lien avec le sens de la vie. Les études, qui avaient toujours été un point difficile pour Andrea, sont devenues centrales pendant son hospitalisation, et il l'a vécu avec un engagement totalement nouveau.

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Les mots si familiers à Andrea : « Attention. Danger de vie ou de mort. Toujours » nous introduisent à la dernière rencontre du Meeting de cette année, « Des hommes malgré tout », consacrée à l'Association russe Mémorial, fondée dans le but de maintenir vivante la mémoire de tous ceux qui ont perdu la vie ou ont simplement « disparus » pendant le régime communiste. Il existe toujours, en effet, la possibilité de vivre, même dans les circonstances les plus défavorables comme le goulag, une vie vraie, à la recherche de quelque chose.

Comme cela a été dit lors de la rencontre, les histoires contenues dans les archives de Mémorial sont l'histoire de la recherche de la semence de bien que l'homme représente toujours. Toujours ! Parce que, malgré tout, l'homme reste l'homme. L'exposition, à travers les nombreux exemples qu'elle présente, prouve que ce miracle se produit : quelque chose renverse la logique mécanique du mal. Les témoignages des personnes cassent cette logique. Dans beaucoup d'entre eux, nous voyons comment le désir d'une affection authentique pour leur enfant ou leur femme n'a pas été perdu, et c'est pourquoi cela vaut la peine de risquer sa vie pour préparer quelque chose pour eux (un vêtement, un dessin, par exemple). Comme le disait Marta dell'Asta : « L'espérance ne réside pas dans le fait que l'homme ne se trompera jamais, mais dans le fait qu'il recommence toujours. Les raisons de cette espérance résident dans les personnes ».