Un temps pour moi, avec Toi, ô Christ

Le confinement, l’arrêt brutal de son travail, un mariage qui démarre « H24 » et l’incapacité de se sentir « utile ». Mais dans une homélie du pape François, la question qui change la donne : « Ma fille, donne-moi ta misère »

La propagation du coronavirus a changé tous mes plans. Mon mari et moi, nous avons reçu l’immense grâce de pouvoir nous marier juste avant le confinement, et d'avoir pu partager ce moment-là avec nos familles et nos amis.

En revenant de notre voyage de noces, j'avais une très forte envie de commencer notre nouvelle vie ensemble et de pouvoir revenir au travail. Cela fait maintenant trois mois que je ne peux pas travailler, et cela me manque énormément. Comme si quelqu'un m’avait coupé les mains, si indispensables pour la réussite de mon métier de chef de cuisine.

Cette tristesse « énervée » a bien sûr impacté aussi le rapport avec mon mari et la seule chose que je me répétais était : « Ne t’inquiète pas Cate, tout va se régler quand vous sortirez de ce moment-là ». Je voulais déjà repousser mes questions à plus tard. Je me suis rendue compte, après quelques semaines, que j'étais en train de faire pourrir tout ce qui était en relation avec moi (travail, mon mari, les rapports avec les amis, …).

Pendant une école de communauté, un ami est intervenu en nous provocant : « il faut se demander comment on peut être utile, là, maintenant ! » Cela m'a énervée. Comment peut-il se permettre de nous poser cette question ? Pour lui, c'est très facile, il travaille dans des cliniques, bien sûr qu’il est utile. Et moi ? Au début, j’ai mis cette question sur un plan moraliste, en pensant : « il faut donc être une bonne chrétienne, il faut aider, il faut prier à tous moments de la journée... », mais j'ai tout suite eu la perception d'une obligation. Or, je voulais rester moi-même. Je ne voulais pas devoir donner des justifications pour ma journée.

À un certain moment, j'ai lu l'homélie du Pape François  sur sainte Faustine: « Une fois, la Sainte a dit à Jésus, avec satisfaction, avoir offert toute sa vie, tout ce qu'elle possédait. Mais la réponse de Jésus l'a bouleversée : "Tu ne m'as pas offert ce qui t'appartient vraiment." Qu'est-ce que cette sainte religieuse avait gardé pour elle ? Jésus lui dit avec douceur : "Ma fille, donne-moi ta misère" ».

Voilà mon utilité, voilà ce que je veux donner, et pas ce que je peux donner mais ce que je veux donner, c'est moi-même, telle que je suis là : triste à cause du boulot, triste parce que débuter un mariage "H24" ensemble, je suis d'accord, ce n'est pas la fin du monde, mais pour moi c'est un sacré défi, triste parce que je voudrais être à la hauteur de certaines amitiés, triste parce que je me plains alors qu’il y a des gens qui souffrent véritablement.

Depuis que j'essaie de regarder ça, de donner ce que j'ai là maintenant, ce qui me manque me manque encore, mais différemment, avec dedans une Présence, un cri de ma part qui demande : « Où es-Tu ? » Et de l'autre côté, une autre question (celle de l’école de communauté) : « Cate, est que tu m'aimes ? ». Oui. Et voilà que ce temps de confinement a un tout nouveau goût : pas parce que je cuisine toute la journée, mais parce que l'utilité de ce moment, c'est que ce soit pour moi, un temps pour moi, avec Toi, Ô Christ. Rien n’est résolu, la tristesse est là, la blessure demeure, mais elle est comblée par la nouveauté d'une Présence.

Caterina, Paris