Se rencontrer à Southampton

Un couple d’italiens s’expatrie en Angleterre. En partageant leur temps libre avec leurs enfants, les familles ont vu naitre et grandir une « communauté » entre elles.
Anna Leonardi

À son arrivée à Southampton, Tecla ne se doutait pas que cette ville donnant sur la Manche lui apporterait à la fois autant de solitude et de compagnie en peu de temps. C’était en 2012. Avec ses deux enfants en bas âge, elle suit son mari Giovanni, qui avait obtenu un poste d’assistant à la Faculté d’ingénierie. « Dès le début, j’ai beaucoup souffert : j’étais toujours fatiguée et seule toute la journée, confie Tecla. J’ai continué ainsi, au nom d’une disponibilité abstraite, puis, j’ai décidé de mettre cartes sur table : je pouvais rentrer en Italie ou commencer à désirer vivre quelque chose ici. » C’est à ce moment que tout a commencé.
Ewa et Michal furent ses premiers vrais amis : ils sont polonais, et comme Tecla et sa famille, ils vivent loin de chez eux, avec leur petite fille. Les besoins des deux familles se ressemblent ; elles commencent à se voir pour faire jouer les enfants et s’entraident quand elles en ont besoin. Quand Tecla et Giovanni vont à Londres pour assister à une rencontre de la communauté de CL du Royaume-Uni avec Julián Carrón, Ewa et Michal demandent à y aller aussi. « Ils nous ont laissés sans voix, mais pour eux, c’était normal de vouloir voir ce qui nous rendait heureux ». La première school of community est née à partir de ce week-end à Londres.
Puis Lucia est arrivée. Italienne mariée à un Anglais, elle a contacté Tecla parce qu’elle souhaitait organiser un playgroup pour des enfants italiens. « J’ai accepté de l’aider parce que je la trouvais sympathique et je ne pensais pas qu’en si peu de temps nous serions si nombreux. Nous nous retrouvons deux dimanches par mois, dans une salle paroissiale de la bruyère anglaise : nous racontons une histoire, apprenons une chanson et goûtons ensemble. Mais se retrouver entre italiens était presque devenu un prétexte ; ce qui nous intéressait, c’était le désir de rencontrer quelque chose de beau avec nos propres enfants ». Lucia est la première à se rendre compte que le playgroup ne lui suffit pas. Un de ces après-midis, elle se rend chez Tecla, qui vient tout juste d’apprendre qu’elle attend son troisième enfant. « J’étais fatiguée, et je lui parlais de toutes mes souffrances. Mais elle m’a dit : “ Tu vois, nous sommes pareilles, avec une différence, c’est que toi, tu n’as pas peur. Je veux être comme toi ” ». Quelques mois plus tard, Lucia annonce à Tecla qu’elle a décidé de faire baptiser ses deux filles, une décision prise avec son mari, Greg, qui est athée. Ensemble, ils commencent à aller à la messe du dimanche et puis à la children liturgy, un moment de catéchèse pour les enfants.

PAR PURE CURIOSITÉ. Entretemps, Nadi, une Brésilienne qui aide Tecla à garder les enfants, se laisse aussi émerveiller par ces nouvelles amitiés. « Jour après jour, elle s’est retrouvée à tout partager avec moi : mes questions et les réponses. À un moment, elle s’est rendue compte que ce qui me rendait sereine, la rendait sereine aussi ».
Avec ces nouvelles amitiés grandissantes, le geste de l’école de communauté est devenu un besoin pour tous. Mais ils ont du mal à se voir le soir : un peu à cause des enfants, un peu à cause du travail. En septembre, avec l’arrivée en ville d’une nouvelle famille italienne, et en invitant aussi les amis de Bournemouth, naît le family meeting. Ils se retrouvent le samedi, avec tous les enfants : pendant que les petits font des travaux manuels, les adultes reprennent le texte de l’école de communauté, avant de déjeuner tous ensemble. « Quand nous avons commencé, nous étions cinq familles. Maintenant, nous sommes une vingtaine. Beaucoup sont venus par pure curiosité, parce qu’ils ont vu une façon différente de s’occuper des enfants, de travailler, d’utiliser son temps libre, et même de manger et de boire une bière ». Comme Greg, qui se dit encore athée, et pourtant continue à venir.