Fribourg

« Nous rendons grâce spécialement pour toute la fécondité de don Giussani »

L’homélie du père Joseph Gillioz pour la Messe anniversaire de don Luigi Giussani, célébrée à Fribourg (CH) le 22 février 2021. « Il y a comme une consonance particulière entre l'apôtre saint Pierre et le père Giussani lui-même »
Père Joseph Gillioz

Le Cardinal Journet aimait à dire que l'Église est une nébuleuse. Une nébuleuse, ce n'est pas forcément quelque chose de nuageux. Une nébuleuse au sens premier, au sens noble, au sens positif, c'est un ensemble d'étoiles répandues dans le ciel qui forment une grande traînée lumineuse et qui ont entre elles une force d'attraction. Le mouvement de CL est une de ces étoiles, avec dans son sillage, d’autres entités comme les Memores Domini, la fraternité sacerdotale San Carlo...

Frères et Sœurs, nous sommes réunis ce soir, en communion avec beaucoup d’autres célébrations dans le monde pour faire monter vers le Seigneur notre reconnaissance et notre gratitude pour le don de votre mouvement qu’il fait à l’Église et au monde. Nous rendons grâce spécialement pour toute la fécondité de son fondateur, don Giussani, dont c’est le 16ème anniversaire de la mort.

Par un dessein bienveillant de la Providence, le départ de don Giussani vers le Père est tombé le jour de la fête de la chaire de saint Pierre. Ce n’est sans doute pas fortuit, ce n’est certainement pas une coïncidence laissée au hasard.

En me documentant quelque peu sur cette belle figure spirituelle et humaine qu’est le fondateur du mouvement CL, il en ressort qu’il y a comme une consonance particulière entre l'apôtre saint Pierre et le père Giussani lui-même. « En effet dans la vie de Pierre – disait le cardinal Parolin - le Père Giussani a vu se refléter toute l'efficacité de la pédagogie du Christ ».

Selon le cardinal Parolin, « dans l'impétuosité, dans l'élan idéal généreux, ainsi que dans la fragilité de Pierre, le Père Giussani a vu l'emblème de la créature rachetée ».

La vie de l'apôtre Pierre, comme celle de la plupart d’entre nous, je suppose, pourrait se résumer en trois points : la force de la rencontre avec le Christ, le drame du péché (ce fut le reniement pour Pierre) et la puissance de la miséricorde divine.

C’est un grand enseignement de voir que, malgré ses faiblesses, c'est sur Pierre que Jésus bâtit son Église. Cela montre toute la confiance, toute l’espérance que le Seigneur met en nous. Tout au long de l’histoire de l’Église, Dieu choisit des êtres fragiles et imparfaits. Certains étaient de grands pécheurs. Mais quand ils ont rencontré le Christ, ils sont devenus de grands témoins de la foi.

Voilà une belle démonstration que la grâce divine est bien plus puissante que la fragilité humaine.

L’Évangile de ce jour culmine avec la confession de foi de Pierre, et avec la monition de Jésus : « Heureux es-tu Simon, fils de Jonas, car ce ne sont pas la chair et le sang qui t'ont révélé cela, mais mon Père qui est dans les cieux… » (Mt 16,17). Un aspect de la foi qui est mis en lumière ici, de la foi authentique et vivante, c'est qu'il y a un bonheur de croire, d'adhérer à la personne de Jésus Fils du Dieu vivant. La foi est un attachement libre, de tout son être, de tout son cœur, de toute son intelligence à la personne du Christ, en qui nous mettons toute notre confiance, sur lequel nous pouvons nous appuyer en tout temps.

Cette béatitude est la même que celle qu'a connue la Vierge Marie à l'Annonciation : « Bienheureuse celle qui a cru. » (Lc 1). Ce véritable bonheur intérieur et spirituel vient du Père, dans l'Esprit Saint. S’il vient du Père, de l’Esprit-Saint, c’est un don, certes, mais un don que le Seigneur veut accorder à tous ceux qui le demandent dans la prière, à ceux qui s’y disposent.
C'est finalement le bonheur de ceux qui acceptent Jésus Sauveur dans leur vie et qui le confessent.
C'est la joie de celui qui découvre la présence du Christ qui habite en lui.
C’est la certitude que Jésus nous aime et rien ne nous séparera de son Amour.

Croire n'est pas se soumettre à toutes sortes de règles et d'interdits. Croire n'est pas non plus une assurance contre les épreuves. Dieu n'est pas un remède universel, même s’il ne veut pas non plus de nos souffrances ! Plusieurs pages de la Bible disent qu'Il souffre, comme un père remué aux entrailles par les épreuves de son enfant. En revanche, Dieu fortifie dans l’épreuve, rend capable de réagir, console. Dieu est une présence aimante. Croire, c'est savoir que nous ne sommes pas seuls. L'évangile nous dit que Jésus a traversé la mort et qu'il l'a vaincue. Croire en Dieu, c'est au plus profond croire que la même victoire sur la mort nous est promise.

C’était sans doute une conviction qui animait la vie et le cœur de don Giussani et qu’il voulait transmettre à notre monde sécularisé.

J’aimerais terminer par l’évocation de 2 fioretti, qui dénotent 2 traits de caractère du fondateur de CL.
Tout d’abord j’ai découvert qu’étant jeune, il formait avec d'autres jeunes étudiants de Venegono, le Grand séminaire de Milan, une communauté appelée Studium Christi, dont le programme était le suivant : « Ne parler que du Christ, car tout le reste semblait être une perte de temps. Cela évoque le « Solo Dios basta », le "Dieu seul suffit !’" cher à sainte Thérèse d’Avila.

Puis, vers la fin de sa vie, au moment de passer le relais à son successeur, don Julian Carron, le père Giussani lui avait dit à la fin d’un entretien : « C'est bon pour toi que je m'en aille ». Dom Mauro Lepori, l’abbé général des cisterciens, commente cet évènement en disant : « Dire que ‘C'est bon pour toi que je m'en aille’, c’est l'expression extrême de la paternité. Le père ne transmet pas seulement la vie, mais il la donne pour ses enfants ». Personnellement j’y vois une haute expression d’humilité et de détachement, qui est la marque des authentiques hommes de Dieu.

Le rôle du père est d’être au service de la vie et de la croissance. Dès lors soyons sûrs que Don Giussani, continue là où il est, d’être au service de la vie et de la croissance de votre mouvement et de chacune et chacun ses membres.

Père Joseph Gillioz
Fribourg, 22 février 2021