« Le sens de la solitude naît du cœur même de tout engagement sérieux envers sa propre humanité. Celui qui croyait avoir trouvé la solution à l’un de ses besoins importants dans quelque chose ou chez quelqu’un » le comprend bien si « ce dernier disparaît, s’en va, ou bien s’avère incapable de répondre » (don Giussani).

Chers amis, je vous souhaite de vivre ce pèlerinage avec un regard de tendresse et de sympathie envers l'humain que vous découvrez en vous. C’est par amitié envers vous-mêmes que vous faites le sacrifice de veiller toute la nuit. Vous pourrez ainsi revivre l’expérience décrite par le poète Antonio Machado : « Mon cœur […] est éveillé, éveillé. / Il ne dort, ni ne songe ; il regarde, / ses yeux clairs grands ouverts, / des signes lointains ; il écoute / sur la rive du grand silence. » Et l’hymne des Laudes des sœurs trappistines de Vitorchiano sera comme la note dominante de chacun de nos pas : « Avant que l’aube ne se lève, / veillons en attente : / la création se tait et le mystère / chante dans le silence. // Notre regard cherche / un Visage dans la nuit ». Vous aussi veillez physiquement, pendant que la nuit enveloppe toute chose.

Pourquoi cherchons-nous un Visage ? Parce qu'il y a une question à laquelle nous ne savons pas répondre. Qui n’a jamais expérimenté ce sentiment d’impuissance qui surgit du fond de l’expérience ? Comment ne pas céder à la peur et au désespoir ? Simplement en gardant les yeux ouverts, pour voir si, à l’horizon, pointent des lueurs de vie qui nous disent que nous ne sommes pas seuls. Soutenez-vous les uns les autres dans la fatigue pour ne pas vous laisser vaincre par le découragement et pour ne jamais cesser de prendre au sérieux cette exigence qui réside au fond de toute solitude authentique. Ainsi seulement, vous pourrez intercepter une réponse.

« Tu ne seras plus seul, jamais ». Qui peut dire cela ? Seulement le Christ, grâce à la compagnie profonde qu’il vit avec le Père : « Je ne suis pas seul, puisque le Père est avec moi » (Jn 16, 32). Il est le seul qui prend à cœur tout ce qui nous constitue et qui répond au besoin que nous avons. « La barque était déjà à une bonne distance de la terre, elle était battue par les vagues, car le vent était contraire. Vers la fin de la nuit, Jésus vint vers eux en marchant sur la mer. En le voyant marcher sur la mer, les disciples furent bouleversés. Ils dirent : “C’est un fantôme.” Pris de peur, ils se mirent à crier. Mais aussitôt Jésus leur parla : “Confiance ! C’est moi ; n’ayez plus peur !” » (Mt 14, 24-27). Il ne les rassure pas par un discours ou des formules, mais par sa présence même, compagnie de Dieu à l’homme. Comme nous le dit le pape François, « S’il vit, […] il n’y aura ainsi plus jamais de solitude ni d’abandon. Même si tous s’en vont, lui sera là, comme il l’a promis : “Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde” » (Christus vivit, 125).

On ne vit que pour quelque chose qui se passe maintenant. Comme au début du christianisme, le Mystère nous touche à travers une présence aux traits très humains, celle de personnes qui provoquent en nous un émerveillement par la manière dont elles vivent les choses de tous les jours, au point que nous les percevons tout de suite comme familières et à notre portée, parce que ces personnes nous embrassent tels que nous sommes et qu’elles nous permettent d’affronter même les moments les plus sombres avec espérance.

Je vous souhaite la ténacité d’un chemin, cette nuit et surtout dans les jours à venir, pour découvrir les traits uniques de la grande Présence qui vous fait un clin d’œil à travers le visage de ses témoins d’aujourd’hui, dans la vie de l’Église.

Que la Vierge, qui a accueilli dans ses entrailles le Verbe fait chair, vous accorde de faire expérience de la compagnie indestructible de Celui qui est parmi nous, afin qu’il se rende visible dans votre vie.

Bon chemin en compagnie du Mystère

père Julián Carrón

Milan, le 29 mai 2019


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