L'Événement d'une humanité différente capable de réveiller l'intérêt pour la foi

Le père Julián Carrón, président de la Fraternité de CL et père synodal, est intervenu à la XIIIe Assemblée Générale Ordinaire du Synode des Évêques, dédiée au thème : « La nouvelle évangelisation pour la transmission de la foi chrétienne »
Julián Carrón

Très Saint-Père,
Très Vénérés Pères,
Cher Frères et Sœurs,

Le Synode sur la Nouvelle Evangélisation et l’Année de la Foi tirent leur origine de la même constatation : nous ne pouvons pas continuer à « penser la foi comme un présupposé évident du vivre en commun. […] En effet, ce présupposé non seulement n’est plus tel, mais souvent il est même nié » (Porta Fidei, n° 2). Si on ne peut pas continuer à donner la foi pour escomptée, la première urgence est de réveiller, chez les hommes de notre temps, l’intérêt pour la foi et pour le christianisme. Le
lieu privilégié pour que cela puisse arriver, c’est la vie quotidienne où les chrétiens entrent en relation avec leurs frères les hommes.

En lisant l’Instrumentum Laboris, qui contient tant de points de repères précieux pour notre travail, j’ai été frappé par cette observation : « De nombreuses réponses [dans les Lineamenta] expriment la préoccupation pour l’insuffisance de première annonce dans la vie quotidienne, qui se réalise dans les quartiers, dans le monde du travail ». Cette évaluation, qui ressort de nombreuses réponses, indique quel est le défi que nous devons relever et c’est, me semble-t-il, mettre le doigt dans la plaie.

Malgré toutes les tentatives faites au cours de ces dernières décennies pour améliorer les instruments de la transmission de la foi, le constat est simple : tous les efforts déployés jusqu’à présent peinent à engendrer une nouveauté de vie susceptible d’éveiller la curiosité, chez les voisins et chez les collègues, pour ce que les baptisés vivent dans leur vie
quotidienne (dans les quartiers, dans les lieux de travail). Cela en dit long quant à la difficulté que nous avons à affronter en tant qu’Eglise : comment surmonter cette fracture entre la foi et la vie qui rend la foi plus difficile à approcher de manière raisonnable et, par conséquent, moins attrayante dans la vie quotidienne ? Si nous ne réussissons pas à affronter clairement cette question, alors, nous continuerons à faire des efforts considérables sans réussir à donner une réponse adéquate à la racine du problème.

À mon avis, c’est en cela que réside le lien profond entre l’Année de la Foi et la Nouvelle Evangélisation. En effet, si « l’on ne redécouvre pas et l’on n’accueille pas à nouveau ce don précieux qu’est la foi » qui fait de chaque baptisé une « créature nouvelle » capable de montrer la beauté d’une existence vécue dans la foi, la nouvelle évangélisation risque d’être réduite à une affaire d’experts et à une discussion sur les instruments, et donc elle ne se déroulera pas comme une expérience personnelle et ecclésiale capable de réveiller chez les hommes l’intérêt pour la foi.

Pour susciter cet intérêt, nous avons un allié dans le cœur de l’homme, quelle que soit sa culture ou sa condition. Nous savons que le cœur de l’homme est fait pour l’infini. Et ce désir, même s’il est enfoui sous des milliers de distractions et d’erreurs, est indélébile. Il demeure dans l’attente d’un accomplissement. Car aucun « faux infini » - pour reprendre une expression de Benoît XVI -, avec lequel si souvent on identifie son accomplissement, ne parvient à le satisfaire. « Que servira-t-il donc à l’homme de gagner le monde entier, s’il ruine sa propre vie ?  » (Mt 16, 26).

À cette attente, toutefois, une doctrine ne saurait y répondre, ni un ensemble de règles, ni une organisation, mais plutôt un événement, l’évènement d’une humanité différente. Comme l’a dit don Giussani lors du Synode de 1987 : « Ce qui manque n’est pas tant la répétition littérale ou culturelle de l’annonce. L’homme d’aujourd’hui attend, peut-être inconsciemment, l’expérience de la rencontre avec des personnes pour qui le fait du Christ est une réalité si présente qu’elle change leur vie. C’est un impact humain qui peut secouer l’homme d’aujourd’hui : un évènement qui soit l’écho de l’évènement initial lorsque Jésus leva les yeux et dit “Zachée, descends vite : aujourd’hui il faut que j’aille demeurer dans ta maison” ». Alors, comment aujourd’hui une créature nouvelle, le témoin d’une vie changée, peut susciter de nouveau la curiosité pour le christianisme : voir se réaliser cette plénitude que l’on désir atteindre, mais en ignorant comment. Des hommes nouveaux qui créent des lieux où chacun puisse être invité à effectuer la vérification que firent les deux premiers sur les rives du Jourdain : « Viens et vois » parce que « une foi qui ne peut être repérée et trouvée dans l’expérience présente, et confirmée par elle, capable de répondre à ses propres besoins, ne sera pas une foi en mesure de résister dans un monde où tout, tout, dit le contraire » (L. Giussani, Le risque éducatif).

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