Le point d’unité sur l’île

Île Maurice. Entre plongées et assemblées, la possibilité d’une foi qui devient vie. Voici l’histoire d’une jeune communauté (née pendant des vacances).
Paola Bergamini

Samedi 21 novembre. Dans la petite salle du centre catholique pour jeunes « Le chêne de Mambré », deux ordinateurs sont allumés. Sur l’écran du premier, défilent les images de la Journée de début d’année et sur l’autre écran, on entend la version française de la traduction simultanée. À quelques mètres de là, l’océan caresse la plage de la côte est de l’île Maurice. C’est le deuxième jour de vacance de la jeune communauté mauricienne : 28 personnes, adultes et enfants compris. « L’idée est née en juin, après les Exercices de la fraternité. L’occasion de passer un moment ensemble, avec les enfants », raconte Laura, italienne. Ses amis l’appellent affectueusement « mère Laval », comme le missionnaire français qui, dans les années 1800, a évangélisé l’île. Pour comprendre cela, il faut raconter son histoire, qui s’entrecroise avec celle de cette communauté. En 1989, Laura épouse Leckram, un Mauricien qu’elle a rencontré en Italie et se transfère à l’île Maurice. Il est hindouiste, elle est catholique : un amour fort et respectueux, qui a soutenu au cours des années la foi de chacun. « Je ne me serais jamais installée [à Maurice] si je n’étais pas certaine d’une présence catholique là-bas. En pensant aussi aux enfants qu’on aurait eus ». Bien qu’étant loin, elle suit la vie du mouvement, qu’elle a rencontré auparavant et prie pour qu’il puisse naître aussi à Port-Louis. « Un ami prêtre me disait : "Regarde, le mouvement, c’est toi ».

Catéchète, maman, Laura noue des liens avec tout le monde et témoigne de sa foi dans la vie de tous les jours. En 2008, un groupe d’Italiens de CL passe quelques jours de vacances sur l’île. Ils vont lui rendre visite. C’est le premier maillon d’une chaîne d’amitié, surtout celle qui naît avec Guenda, qui devient un point de repère pour Laura. C’est par eux qu’elle rencontre Père Stefano de Madagascar, qui est en contact avec l’évêque de l’île. En 2010, Laura va le voir et lui parle de CL. Monseigneur Piat veut en savoir plus : il écrit au Secrétariat international et entame une correspondance avec Jesús Carrascosa, responsable de l’Afrique. En 2011, l’évêque dit à Laura : « Si tu veux, je mets à tes côtés un prêtre, père Heriberto ». Salésien, il ne connaît pas CL, lit les textes de Giussani et en est fasciné. Mais plus encore, il voit ces mots se concrétiser dans le petit groupe qui, petit à petit, s’est cristallisé autour de Laura : une amitié simple où la foi n’est pas abstraite. Père Heriberto explique : « Le concept d’expérience de Giussani m’a attiré. Souvent dans les différents groupes catholiques qu’il y a ici, j’ai vu une foi liée à l’émotion, qui n’a pas de rapport avec les exigences de la vie ». Ils se retrouvent pour l’École de communauté, avant de dîner tous ensemble et chacun ramène quelque chose. Laura raconte : « C’est le "Bring and share". Cela rend bien l’idée : le critère n’est pas le fait de s’associer, mais le besoin de partager la vie ». En 2013 a lieu la première Journée de début d’année, puis les Exercices… Et maintenant, ces vacances. Même Guenda a fait le déplacement d’Italie.

Vendredi, premier jour, père Heriberto, pendant la messe et en prenant l’hostie, dit : « Nous venons de pays et d’ethnies différents, mais voici ce qui nous unit. Nous sommes tous fils de Dieu, avec le même désir dans le cœur : celui de partager la joie d’être regardés par le Christ ». Agnieszka est polonaise, Karen est sino-mauricienne, Roberta est italienne et c’est à Maurice qu’elle a retrouvé CL. Il y a aussi une famille d’origine créole, invitée par le père Heriberto ; il y a Romane, qui faisait partie d’un groupe catholique et qui, frappée par la persévérance de Laura, a décidé d’accepter son invitation. Pour la première fois, Leckram a lui aussi voulu participer et pendant la projection, il était avec les enfants à la plage. Le soir, on projette le film réalisé par les fils de Roberta : un montage de photos et de chansons sur les événements de l’année passée. Samedi après-midi… Séance de plongée avec père Heriberto. Certains ne savaient pas qu’il est moniteur de plongée. Puis des jeux, des mimes et l’assemblée. Romane dit : « Quand Carrón a lu le témoignage de la fille qui parle du "jeu des yeux", j’ai pensé : je le vois en ce moment même avec ces amis ». C’est le mot témoignage, comme une vie, qui est récurrent dans les interventions. Dimanche : messe, bain, déjeuner, nettoyage… Et un dernier café. Personne ne semble vouloir partir. Karine s’approche de Laura : « Pendant ces vacances, j’ai reçu les réponses sur la foi que j’ai toujours cherchées ». Elle ne précise pas lesquelles, s’émeut et s’en va. Dans l’avion qui la ramène en Italie, Guenda pense : « Ces jours m’ont remise en route. Un étonnement nouveau a pris la place de la douleur et de la fatigue qui me tenaillaient avant mon départ ».