KHARKOV - La vraie révolution

Comment la vie de la Fraternité peut-elle aider notre vie quotidienne ? De Taiwan à l’Italie, des États-Unis à l’Ukraine, voici les récits de celui qui vient d’entrer à la fraternité ou de celui qui, après bien des années, pensait avoir tout vu.
Luca Fiore

« Les journaux télévisés russes viennent tout juste d’annoncer que d’ici une heure la Place Maidan serait évacuée. Je regardais la télé et je consultais les sites internet quand cet e-mail est arrivé ».
Nous sommes le 18 février et Aleksandr Filonenko est dans sa maison de Kharkov en Ukraine, à la frontière avec la Russie. Ce professeur de philosophie, russe de naissance et orthodoxe du Patriarcat de Moscou, regarde avec appréhension les développements de la révolte de Kiev. Les flammes encerclent le campement dans le centre de la capitale et les Berkut, les forces spéciales, semblent avoir le dessus. Le message dit : « Cher ami, nous t’annonçons que ta demande d’inscription à la Fraternité a été acceptée ». Quelques jours plus tard, le téléphone de Filonenko sonne : c’est Elena de la maison des Memores Domini de Moscou. C’est le jour de la libération d’Ioulia Timochenko et Elena souhaite avoir des informations sur la situation. Filonenko répond puis ajoute : « Elena, j’ai oublié de te dire une chose très importante : je fais officiellement partie de la Fraternité ». Et elle : « Mais c’est ça la vraie révolution ! ». « Oui, vraiment ».

UN ORTHODOXE DE CL. Aleksandr revient sur le début de sa rencontre avec le christianisme. Pendant les années de la perestroïka, il découvre Pavel Florensky et il désire alors rencontrer « un chrétien en chair et en os ». Il rencontre ensuite le métropolite de Londres, Antony Blum qui devient son père spirituel. Et enfin Cl : « Après une intervention à un congrès, une personne me dit qu’on voyait bien que j’avais lu et compris l’œuvre de don Giussani. Mais moi, Giussani, je ne savais pas qui c’était ». Il lit alors l’œuvre de ce prêtre et découvre l’expérience de foi née de son charisme : « Pour Cl, l’amitié est le lieu de la présence du Christ, c’est dans l’amitié que l’homme est éduqué à entrer en rapport avec le Mystère ». Pourquoi a-t-il demandé à faire partie de la Fraternité ? « L’an dernier je suis allé en Italie pour une série de conférences et j’ai rencontré plein de personnes du mouvement. Je me suis aperçu que pour expliquer la situation de mon Pays, j’étais obligé de raconter ce que j’avais appris de mes amis italiens de Cl. Je pense à l’école de Franco Nembrini à Calcinate, à la communauté de recyclage de Silvio Cattarina et aux leçons sur l’art de Mariella Carlotti. Et je me suis rendu compte qu’à travers mon récit, les personnes de Cl découvraient des réalités qu’elles ne connaissaient pas. C’est incroyable : nous découvrons ce qu’il y a dans notre maison grâce aux récits de nos amis. Et le contraire est aussi arrivé : Giovanna Parravicini de Russie Chrétienne m’a raconté l’histoire du pianiste Marija Judina, en me faisant découvrir un morceau de ma propre histoire. Ainsi, grâce à Cl, j’ai commencé à mieux comprendre ma personnalité orthodoxe ».
Au début, étant orthodoxe, il lui était difficile d’adhérer au mouvement. « Un jour j’ai réentendu le passage de la Lettre aux Corinthiens où Saint Paul parle des divisions dans la communauté : moi je suis de Paul, moi je suis d’Apollon… Et puis il demande : Le christ a-t-il été divisé ? Et là j’ai compris : catholiques et orthodoxes, nous sommes tous du Christ. Si le plus grand désir de celui qui adhère à Cl est de voir le Christ dans une amitié… alors cela fait de Cl quelque chose de plus grand qu’un mouvement confessionnel ».
Franco, Elena, Rosalba, Giovanna et tant d’autres. Filonenko dit que les réponses à ses questions n’ont pas été des mots mais des personnes. Ainsi son “petit groupe de fraternité“ est éparpillé entre Kharkov, Moscou, Kiev et Calcinate. À Pâques, qui cette année est le même jour pour les catholiques et les orthodoxes, les amis de Russie, de Biélorussie et d’Italie viendront à Kharkov. Filonenko introduira la liturgie orthodoxe du Triduum et on fera la fête ensemble. Et le lundi de Pâques, le programme prévoit une partie de foot, catholiques contre orthodoxes. Aujourd’hui Aleksandr repense à cette soirée lorsque l’histoire de l’Ukraine s’est imbriquée avec la sienne dans le mouvement. « Cet e-mail a été la démonstration qu’en toute circonstance je peux voir la chose la plus importante pour ma vie. Quelque soit les situations politiques ou personnelles, belles ou laides, tout se rassemble dans l’unique histoire qui est l’amitié dans le Christ ».