Les portes ouvertes pour Joy

« Jésus ne sépare pas les choses terribles des choses belles ». Histoire d’une Nigériane, fille-mère : de la honte à l’étreinte.
Luca Fiore

Elle s’appelle Joy, c’est-à-dire Joie. Et ce n’est pas un prénom pour rire, même si son histoire, par certains aspects, ressemble beaucoup à ce que dit Evangelii gaudium ; notamment, la partie que le pape dédie à l’Église aux portes ouvertes, qui n’est pas une douane, mais la maison paternelle où il y a une place pour chacun, avec sa vie et ses épreuves. Joy, originaire de Lagos, au Nigéria, a rencontré CL à l’âge de seize ans. Aujourd’hui, elle en a trente-huit.

Quand elle s’est trouvée enceinte sans être mariée, le monde s’est écroulé ! « Dans la culture africaine, avoir des enfants hors mariage est une honte, surtout dans une famille chrétienne. J’étais bloquée, désorientée. Je faisais tout pour cacher ce qui m’était arrivé. Mais je n’ai pas pu le cacher indéfiniment. Les gens ont commencé à chuchoter, à me juger. Un jour, j’ai pris mon courage à deux mains et je suis allée en parler avec Barbara ».

Jamais elle ne se serait attendue à la réaction de cette amie du Mouvement : « Elle m’a étreinte immédiatement, longuement. Puis elle s’est réjouie en disant : ‘C’est un signe de l’amour de Jésus. Il veut te montrer qu’il t’aime et, à travers toi, Dieu veut faire entrer dans le monde un nouvel être humain.’ » Ces paroles ouvrent en grand une fenêtre de lumière dans la chambre obscure de Joy. « Elle ne m’a pas dit : ‘Tu es mauvaise’, mais elle m’a expliqué que ce qui m’arrivait, même si c’était une erreur à l’origine, était quelque chose de beau. Je me suis immédiatement sentie pleine de vie. J’ai commencé à prendre des initiatives, à ne pas tenir compte de ce que disaient les gens ».

Joy commence à s’habiller avec des vêtements de future maman et se décide à mettre ses parents au courant de la situation. Ils le prennent très mal… « mais, quand ils ont vu que j’étais contente et pleine de vie, eux aussi ont accepté la chose ». C’est ainsi que naît une petite fille, Jigh-Jigh, prénom qui semble fantaisiste mais ne l’est pas (il se prononce Gigi à la française). Jigh-Jigh devient la mascotte de la communauté CL de Lagos. « Toute l’affection qu’ils avaient pour moi, ils l’ont déversée sur ma fille ». Francis, un ami de la communauté, l’accompagne chez son curé qui s’était montré réticent pour le baptême (il voulait l’assentiment du père) ; se portant garant pour elle, il arrive à le convaincre. « C’est de cette façon que mes amis ont vraiment embrasser ma vie ».

Quelques années plus tard, Joy rencontre un camarade de classe de son village, dans le nord. Ils se fréquentent, bien qu’elle vive à dix heures de chez lui. Un an après, il lui demande de l’épouser. Tout d’abord indécise, Joy finit par accepter. Ils se fiancent et bientôt, Joy se découvre à nouveau enceinte. Mais la situation du nord a empiré du fait des affrontements entre éleveurs musulmans et agriculteurs chrétiens. Les visites de son fiancé se font plus rares. Quand vient le moment de l’accouchement, il n’est pas là pour conduire Joy à l’hôpital. C’est Luisa, une amie de la communauté, qui l’accompagne. On demande à Joy la signature de son mari pour l’hospitaliser. Luisa règle la question et Joy entre en salle de travail. Les médecins pensent que le père va arriver et, quand elle sort de la salle de travail, douloureuse, ils lui demandent à nouveau : « Quand votre mari arrive-t-il ? » Toute son histoire, la frustration, le sentiment d’abandon l’assaillent de nouveau. « Mais j’entends Luisa répondre de manière décidée : ‘Moi, je suis là. Il y a un problème ? ‘, alors je comprends que quelqu’un prend soin de nous. Et ma joie renaît ».

Aujourd’hui encore, à quelques semaines de l’accouchement, les gens demandent à Joy pourquoi le père n’est pas encore venu les voir, elle et sa nouvelle petite fille. « Dans leurs paroles, je sens encore ce jugement sur moi et sur ma vie ». Mais les portes de la communauté chrétienne, de l’Église, restent toujours ouvertes pour Joy, qui est chaque fois touchée par le regard des amis du Mouvement. « Ils continuent à me rappeler que, dans chaque aspect de la réalité, il y a le visage du Christ. Jésus ne sépare pas les choses terribles que nous faisons, que j’ai faites, des choses belles. Il est dans chaque chose. Il est toujours là, avec nous. La réalité est très belle, même avec toutes les difficultés que nous sommes appelés à traverser ».

À propos, la nouvelle petite fille s’appelle Miracle. Et ce nom-là non plus n’est pas fantaisiste !