La tristesse est une chose positive

Laisse-toi embrasser en n’aie pas peur. Et c’est bien que tu ne te contentes pas de vivre la vie de façon simple : c’est le signe d’une grande humanité

Chère maman,
ces journées-ci ont été très fatigantes pour moi. La vie ici dans l’appartement avec les autres étudiantes semble devenue une routine, mes journées sont presque toutes égales. Je suis arrivée au point où je me sens bien, oui, mais pourquoi se contenter de se sentir bien quand on pourrait se sentir divinement bien ? Et ce divin me manque. Je me suis sentie limitée, mesurée. Je dois faire la chose juste pour être juste. Mais la liberté de dire « je vais à l’université parce que ça me convient », je l’ai oubliée. Non pas perdue, mais proprement oubliée. Une grande tristesse et le découragement ont pris le dessus en moi. « Mais pourquoi suis-je ici ? Quel est mon objectif ? Qu’est-ce que cela change d’être ici avec mes amis plutôt qu’avec d’autres personnes à un autre endroit? ». Les paroles de Lucia « Ce qui m’intéresse ce n’est pas que tu sois juste, mais que tu sois libre » ne me laissent pas tranquille. Cette tristesse m’a fait penser à la leçon de Carròn : « La tristesse, mes amis, est une chose positive, parce qu’elle est la nostalgie d’un bien plus grand que vous avez touché et qui vous manque ». Après trois jours passés seule à la maison à étudier, ou à me balader en compagnie d’autres amis, les messages de mes amis de l’université m’ont émus : « Mais où est-tu ? », « Puis-je t’appeler? », « Je viens chez toi, comme cela on peut se parler ». Lundi, j’ai décidé d’y retourner. Passer le seuil de l’université a été difficile. J’avais peur d’être déjà oubliée ou que les personnes soient en colère. Fuir est toujours plus facile qu’affronter les problèmes. La première après-midi une chère amie m’a littéralement bloquée et m’a regardée en disant : « Aujourd’hui tu me parles, car ça ne va comme ça ». Puis, ne se retenant plus, elle ajouta : « Je suis pleine de limites, et j’ai toujours eu peur de le montrer aux autres. Mais quand j’ai commencé à montrer qui je suis vraiment, je me suis rendue compte que ces personnes allaient au-delà de ma misère. Parce qu’elles m’embrassaient. Comme je suis. Laisse-toi embrasser en n’aie pas peur. Et c’est bien que tu ne te contentes pas de vivre la vie de façon simple : c’est le signe d’une grande humanité ».
Notre chef de faculté nous a proposé, à nous les bleus, de revoir ensemble l’examen de Carròn et de recueillir nos notes de ses leçons dans un petit fascicule. Ce matin nous nous sommes retrouvés pour la première fois à discuter tous ensemble et c’était magnifique. A un moment donné, une de mes amies m’a dit: « La première partie parle de toi. Je parie que tu ne l’as même pas remarqué. Relis-là ». « Le christianisme intéresse celui qui ne réduit pas ses désirs et ses besoins, qui n’a pas renoncé au désir de plénitude qui quelquefois émerge au milieu de tant de confusion ».
Je m’excuse de ne pas avoir donné signe de vie ces temps-ci, j’espère que tu comprendras. Ne doute pas que mes pensées ne soient allées vers toi tous les jours, je t’aime.
Ta fille.

Maria-Grazia, Milano