Le mémoire de ce moment tellement essentiel

Ces journées étaient vécues en offrant et en demandant tout dans la prière. Ce tout, que l’on peut appeler l’essentiel, c’est le rapport avec Lui

Il s’est écoulé un mois exactement depuis que notre fils de deux ans a été hospitalisé pour une maladie qu’on ne parvenait pas à identifier. Au début, entre mille souffrances (prélèvements, gastroscopies, thérapies diverses...), les journées étaient envahies par des sentiments de peur, de solitude, mais surtout d’incertitude sur ce que pourraient être l’avenir de notre fils et celui de toute la famille. Sans ces « fragments de réalité » (coups de téléphone d’amis, sms, gestes concrets) qui se glissaient dans nos journées, rythmées seulement par les allers et retours entre la maison et l’hôpital, nous ne serions probablement pas ici avec le désir de partager ce qui nous est arrivé. Nous en étions au point de nous demander ce que nous pouvions bien faire là-bas, auprès d’un lit du service de pédiatrie... Pourtant, en y repensant, je trouve qu’elle est bien vraie, la phrase qui dit que « toute appartenance a besoin, qu’on le veuille ou non, de se vérifier par la fatigue quotidienne ». Et la maladie d’un enfant de deux ans est une réelle fatigue. Il s’y mêle bien un peu de colère quand on se dit : pourquoi faut-il être ‘réveillé’ par des événements aussi graves ? Il ne suffisait pas d’écouter un beau témoignage ? Mais la colère cède bientôt la place à un sentiment de profonde gratitude. C’est au moment où la maladie, bien que diagnostiquée, avait engendré diverses complications inattendues, qu’il est devenu évident que rien ne serait plus comme avant. Et la gratitude dérive justement du fait que nous nous soyons rendu compte que Dieu ne se lasse jamais, qu’Il nous aide sur le chemin de notre conversion, même si nous sommes cloués auprès du lit de notre fils.
Alors que se déroulait la Journée de début d’année, nous pensions à nos amis ; mais nous ne nous sentions pas exclus, au contraire ! Nous nous sentions privilégiés d’être avec notre fils à l’hôpital, à prier avec lui, pour lui et pour tous les enfants qui souffrent.
Une fois rentrés à la maison, car les conditions cliniques s’étaient améliorées, les journées, paradoxalement, se sont faites plus pesantes et nous nous sommes demandé pourquoi. Pourquoi est-on davantage soi-même en faisant l’aller et retour vers l’hôpital pour aider un fils malade, qu’en poursuivant les succès professionnels, les passions extra-professionnelles ou mille autres choses ? La raison est évidente : ces journées étaient vécues en offrant et en demandant tout dans la prière. Ce tout, que l’on peut appeler l’essentiel, c’est le rapport avec Lui. C’est ainsi que nous voulons vivre nos journées, intensément, en gardant en mémoire ces vingt jours passés à l’hôpital, où notre vie était centrée sur notre fils, où la souffrance était plus authentique. Notre fils portera sa maladie toute sa vie, mais cela ne nous décourage plus. Ce sera l’occasion de faire mémoire de ce qui a été notre chemin de conversion, et de la Miséricorde divine.

Enrico et Tatyana