La beauté de l'avant-dernière note

Arrivés à l’avant-dernière note, ils traînent un peu, comme pour goûter encore un instant cette note qui, de façon inattendue, un moment auparavant, les a rendus heureux

Le début de cette année scolaire a été marqué par la conscience d’être voulue, aimée, dans le moment présent. Cela a été une occasion privilégiée de me rappeler que mes collègues et mes élèves, eux aussi, sont voulus et aimés. Le regard d’amour que Dieu a sur eux est le même que celui qu’il a sur moi. Tout à coup, il m’est devenu évident que « je n’existe pas » quand je ne Le reconnais pas, là, au milieu des dissonances de la flûte et du chant un peu grossier de mes élèves, car j’enseigne l’éducation musicale dans le secondaire. J’explique un morceau à jouer en ‘seconde moyenne’ : quelques mesures seulement à la fois. On avance avec patience, personne n’est laissé à la traîne. Les tempos de chacun sont différents, jusqu’au moment où on arrive à la fin, ou plutôt, à peine un peu avant la fin, à l’avant-dernière note et, ensuite, à la dernière. Et là, merveilleusement, éclate une “beauté” qui a fait dire à quelqu’un : « Qu’elle est belle, cette note ! Jouons-la encore une fois ! ».
Et on recommence, tout d’une traite cette fois. Arrivés à l’avant-dernière note, ils traînent un peu, comme pour goûter encore un instant cette note qui, de façon inattendue, un moment auparavant, les a rendus heureux. C’est un peu comme quand on est en montagne et qu’à la dernière courbe du sentier, apparaît la cime ; on s’arrête un instant, stupéfait par tant de beauté. Cette note, l’avant-dernière, s’appelle appoggiature, ou fioriture en terme musical. Eux, ils ne le savent pas encore, ils ne connaissent pas la définition. Mais ils n’ont pas eu besoin de la connaître pour faire l’expérience de cette beauté.

Fabiana