Le communiste et le dîner surprise

De façon inattendue, ce qui aurait pu être la fin d'un rapport est devenu le début d’une amitié encore plus profonde

Je voudrais raconter l’histoire de mon amitié surprenante et “impossible” avec Lorenzo, professeur dans un département de ma faculté. Il est italien, comme moi, et nous nous sommes rencontrés dans l’ascenseur. Je me suis rapidement rendu compte que c'était le genre de type qui ne verrait pas le mouvement d'un bon œil : militant à la CGIL, ouvertement athée, etc. J'ai donc décidé d'attendre un peu avant de lui dire qui j’étais. Quelques semaines plus tard, comme il avait compris que je n'avais pas de petite amie, il m'a invité à boire une bière et en a profité pour me présenter une collègue de sa petite amie à lui… collègue qui s’avérait faire partie de notre communauté. Il était très étonné que je la connaisse et je me suis dit que le moment était venu de lui en dire un peu plus sur moi. Et cela a été assez amusant. J'ai commencé par lui dire qu'il ignorait certaines choses à mon sujet, et il m'a tout de suite dit : « Ça va, Ale, je sais que tu es catholique, mais ce n'est pas un problème. Mais ne me dis pas que tu fais partie de CL ! » « Lorenzo, je ne suis pas seul à en faire partie, elle aussi ! » C'est ainsi qu'il a découvert que je faisais partie du mouvement, ainsi que ma vocation de Memor Domini. De façon inattendue, ce qui aurait pu être la fin d'un rapport est devenu le début d’une amitié encore plus profonde. Au retour d’un récent voyage, il m’a dit par exemple : « Ale, tu sais que tu m’as vraiment manqué ? » (la réciproque étant vraie aussi). Il a ainsi commencé à faire la connaissance de mes amis. Après la projection du film La strada bella - à laquelle il a assisté après m'avoir fait promettre de participer à une manifestation de la CGIL -, nous l’avons invité au concert de Noël. Il nous a répondu à moitié sérieux : « Vous rigolez ou quoi, après vous allez croire que je suis en train de me convertir ! » Un soir, alors que nous dînions avec Marc - qui fait partie de ma maisonnée -, Lorenzo nous a entendus alors que parlions au sujet du règlement de la note, et il nous a demandé à brûle-pourpoint : « Mais vous mettez votre argent en commun ? » Et il a commencé à nous poser tout un tas de questions sur le fonctionnement de ces choses-là chez les Memores Domini. En sortant du restaurant, il m'a dit : « Ale, moi qui suis communiste, j'ai beaucoup de mal à partager mon argent avec ma petite amie, alors que vous, vous le faites vraiment ! » Peut-être que si j’avais rencontré Lorenzo à l’université, quinze ans plus tôt, je l’aurais considéré, de manière idéologique, comme étant un “ennemi”.

Alessandro, Montréal (Canada)