Sa Présence dans toute circonstance

Voilà une des premières choses que notre fils est en train de nous apprendre : une dépendance totale, où chaque instant est fondamental et déterminant

Quand nous avons appris que nous attendions un enfant, Pierre et moi avons tout de suite accueilli ce don avec une profonde gratitude. Je m’apercevais qu’une si belle attente créait en moi une grande ouverture envers la vie tout entière. Mais en même temps, je traversais souvent des périodes d’aridité dans mon travail et je me préoccupais beaucoup au sujet de ma carrière professionnelle. J’étais à la recherche d’une voie où je pourrais m’engager avec toutes mes énergies, et je m’étais inscrite à plusieurs concours. Je suis convaincue que c’était un bon désir ; mais chaque fois que ma grossesse me causait de petits malaises, je m’énervais beaucoup en raison de ce que cela m’empêchait de faire. Ces moments où je me rendais compte que je n’avais qu’une vision partielle des choses ont été très précieux, car ils m’ont permis de commencer un vrai chemin, un chemin qui ne laisse rien de côté.
Et ce qui m’est arrivé par la suite a complètement bouleversé tous mes projets : j’ai dû être hospitalisée juste pendant la période où se déroulaient les concours tant attendus. En effet, une échographie montrait un problème au niveau de mon col de l’utérus, ce qui pouvait déclencher un accouchement prématuré sans possibilité de survie pour le bébé. Je suis donc restée à l’hôpital tant qu’il y avait un risque majeur, et les médecins m’ont mise au repos complet. Nous avons commencé à prier et à demander à tous nos amis, proches et distants, de le faire avec nous.
Un matin, en lisant les laudes à l’hôpital avec une amie, j’ai été touchée par ces versets : « C'est toi qui as créé mes reins, qui m'as tissé dans le sein de ma mère. Je reconnais devant toi le prodige, l’être étonnant que je suis : étonnantes sont tes œuvres, toute mon âme le sait. (…) J’étais encore inachevé, tu me voyais ; sur ton livre, tous mes jours étaient inscrits, recensés avant qu’un seul ne soit ! » J’ai alors commencé à entrevoir une possibilité plus grande pour concevoir ma vie et l’aimer. Ce qui nous est arrivé me permettait de regarder notre bébé comme un don : sa vie, comme la nôtre, appartient à Quelqu’un qui nous connaît comme personne d’autre, Quelqu’un qui nous aimes plus que ce dont nous sommes capables.
Un jour, la pédiatre m’a expliqué tous les risques et complications que comportait un accouchement aussi prématuré. Elle a conclu son discours en disant que chaque jour était fondamental pour notre enfant. Voilà une des premières choses que notre fils est en train de nous apprendre : une dépendance totale, où chaque instant est fondamental et déterminant.
Notre enfant nous témoigne qu’il est beaucoup plus vrai de se laisser aimer, parce que la vie ne peut être comblée que par notre rapport avec Jésus. On apprend cela petit à petit, et ce n’est pas sans sacrifice : le mien est de rester immobile à la maison pour que notre enfant puisse vivre et grandir ; celui de Pierre est de travailler et de faire tout ce qu’il faut. Ce qui a changé, c’est la conscience avec laquelle nous vivons tout cela, avec laquelle nous accueillons ce sacrifice. Je suis vraiment reconnaissante parce qu'il existe un lieu, une amitié, qui m’aide à vivre ce qui m’est actuellement demandé.
J’ai une collègue qui vient souvent me rendre visite. Pourquoi a-t-elle autant ce désir de rester avec moi ? Je me suis rendu compte que, même en étant alitée, je pouvais vivre la mission. Mais où était cette conscience quand je n’avais pas de problème pour bouger ? L’école de communauté dit cela très clairement, mais jusqu’à présent, je ne l’avais pas compris : « Il suffit d’un instant vécu intensément avec la conscience des rapports ultimes qui la déterminent - conscience du destin et affection pour le monde dans les circonstances où Dieu appelle » … « Chaque action de l’homme vaut pour le monde entier, elle assume une dignité cosmique, elle collabore consciemment et affectivement au dessin dans lequel le mystère se révèle et accomplit son projet ».
Ce qui nous arrive nous oblige à demander. Je ne sais absolument pas pourquoi Jésus a choisi cette modalité, car je ne comprends absolument pas ses projets. J’ai aussi beaucoup de mal à penser au futur, et je me demande souvent comment faire pour avoir vraiment confiance. Pourtant, si je regarde l’expérience de ces dernières semaines, une chose est plus claire : Jésus n’a jamais manqué de nous faire comprendre qu’il nous aimait et qu’il était là. Ce n’est pas parce qu’il nous donne des choses matérielles, comme un bon travail, une belle maison, une vie où tout va bien... Il a d’ailleurs dernièrement complètement bouleversé toutes ces certitudes matérielles sur lesquelles on aurait pu s’asseoir. Mais dans tout cet apparent « désordre », Il est toujours présent. Et il m’est arrivé de dire, malgré les difficultés et le découragement : « Tout ce dont j’ai besoin, c’est que Tu sois là ». Je demande donc d’avoir cette curiosité de chercher comment Il continue à nous rejoindre jour après jour.

Sara, Paris