L'ange gardien du père Ibrahim

L'expérience de l'hôtesse qui a accompagné le père franciscain d'Alep au Meeting de Rimini

Très cher Julián, je suis étudiante en philosophie.
En tant que volontaire au Meeting, j'ai été l’accompagnatrice du père Ibrahim Alsabagh. Le père Ibrahim vit chaque instant de la journée avec une intensité exceptionnelle. Il est infatigablement disponible et attentif, toujours prêt à se mettre en jeu. Sa simplicité est déconcertante. Un homme sûr d'être dans les mains d'un Autre.
Je suis loin de tout dire, mais je m'en tiens là.
Au moment de le quitter, Don Pino a fait savoir au père Ibrahim que beaucoup de gens lui avaient dit avoir compris le sens de l’expression « vivre avec une présence dans le regard », en regardant le père Ibrahim.
Depuis son arrivée à la Foire, et encore plus après la rencontre de dimanche après-midi, les gens voulaient le rencontrer par centaines, pour le remercier de son témoignage, lui demander une prière ou une bénédiction, parfois seulement le saluer timidement. Chaque déplacement, même le plus petit, requérait énormément de temps, car il ne se refusait à personne.
Dimanche soir, après avoir salué un jeune, il m'a dit : « Vois-tu, je ne sais pas pourquoi le Seigneur a voulu et permis que je vienne ici. Peut-être n'est-ce pas pour la rencontre de cet après-midi, mais pour pouvoir étreindre l’un de ceux qui me cherchent ». A une occasion semblable, en blaguant il me dit : « Tu es un tendre ange gardien ! » C'est sûrement parce que j'étais incapable d'interrompre les dialogues avec ceux qui l'approchaient pour lui permettre de poursuivre son chemin. Il a été pour moi un don si grand qu'il fallait que je le partage : moi qui suis si jalouse de mes relations, je me suis retrouvée totalement ouverte, désireuse de favoriser sa rencontre avec les autres. Je me suis aperçue qu'en côtoyant le père Ibrahim mon visage et ma manière de regarder les autres changeaient. J'ai désiré aimer davantage mes amis et servir plus le lieu où je me trouvais. Le matin de son départ, une fois levée, je me suis sentie tout à coup seule. Il m'a appelée de l'aéroport (il voulait être sûr que je m'étais reposée, MOI !) et le fait d'entendre sa voix sereine juste avant son départ pour Alep a été une confirmation ultérieure de tout ce que j'avais déjà vécu pendant ces journées. Difficile de se contenter, après avoir vécu dans une plénitude pareille. Il venait de partir et je craignais déjà que la mélancolie s’empare de moi, mais je me suis aperçue que cette mélancolie était douce et que je n'avais aucune raison de craindre, car la compagnie dont j'avais bénéficié jusqu'à la veille au soir déterminait mes actions. A mon arrivée à la Foire je me suis rendue au bureau des hôtesses pour récupérer les contacts de certains amis rencontrés par le père Ibrahim. Juste avant de sortir du bureau on me demande : « Es-tu libre ? On a besoin d’hôtesses pour la rencontre de Renzi ». J’avais travaillé sans relâche pendant trois jours et j'étais épuisée. Ça ne m'avait même pas traversé l'esprit que le Meeting suivait son cours (ainsi que mon travail) malgré tout !
J'ai répondu avec beaucoup de fatigue : « Oui, je vais me changer » : la première chose que j'ai pensé a été : « Le père Ibrahim aurait tout de suite donné son adhésion » et je n'ai pas eu le courage de refuser. Une semaine avant je ne l'aurais jamais fait, ou alors je me serais plainte. Et la même chose s'est passée dans ma manière de regarder mes amis. Ça vient tout seul, il ne faut même pas que j'essaye de m'appliquer à « être bonne ».

Ilaria, Milan