« Tu es insupportable, avec ton bonheur ! »

Je me rends compte que je suis ainsi à cet endroit car j’ai rencontré une grande compagnie dans ma vie, et la fatigue que je ressens je ne peux pas ne pas la remettre à Jésus
Stefania

Cher Julian, après mon diplôme en architecture on m’a proposé un travail dans une entreprise liée à la mode. J’ai déménagé à Florence et l’accueil que m’ont réservé ces gens jusque-là inconnus a été incroyable, ils m’ont prise à cœur et j’ai découvert que j’étais disponible à me plonger en toute chose : le travail, les rapports avec les collègues, les nouveaux amis du mouvement. Le milieu du travail n’est pas simple, tous sont dépendants du résultat et chacun est jugé sur la base de la productivité, mais surtout chacun vit dans l’anxiété du résultat. Souvent je me suis demandée si ce qui remplit ma vie était perceptible. Je suis restée sans voix quand j’ai reçu le message d’un collègue homosexuel : « Merci pour tous tes sourires et étreintes, ils vont nous manquer car les personnes comme toi sont nécessaires en ce monde »
Il me l’a écrit quand je suis revenue à Milan, tout en sachant que je suis catholique et que nous avons des idéaux différents dans la vie. Une telle chose on ne l’écrit pas de manière légère, surtout en considérant qu’il ne me reverra probablement plus. Ceci m’étonne encore plus, à présent que je travaille à nouveau à Milan, dans le même milieu.
Après un mois, on m’a traitée de “cocaïnomane”, parce que je souris. Ma collègue m’a dit : « C’est lundi matin, comment peux-tu être de bonne humeur ? ».
Ce qui est frappant c’est que tout le monde imagine que ce travail, réputé très ennuyeux, doit me plaire énormément car on me voit si heureuse. Ceci me fait sourire car je ne sais même pas si c’est ce qui est fait pour moi, et je n’ai pas non plus la famille parfaite et stable que d’autres pensent que j’aie.
Tous les jours je dis l’Angelus en demandant d’être disponible à ce qui me sera proposé et à ne pas me laisser suffoquer par ce milieu si anxiogène. Souvent je m’aperçois que quand je dis « qu’il m’advienne selon Ta parole », au fond je dis aussi « mais ce serait mieux selon ma volonté ». Toutefois quand pour la dixième fois on me dit : « Mais qu’as-tu à sourire ? Tu es insupportable avec ton bonheur », je me rends compte que je suis ainsi à cet endroit car j’ai rencontré une grande compagnie dans ma vie, et la fatigue que je ressens (qui est grande) je ne peux pas ne pas la remettre à Jésus, à genoux, en lui redemandant si souvent qu’il se montre. Toute seule, cette force-là, je ne l’aurais pas.