Le vendredi après-midi est le seul moment de la semaine où je croise la femme de ménage. C’est-à-dire qu’elle frappe à ma porte, que je lui dis d’entrer, et que nous échangeons quelques mots du genre : « Puis-je vider la corbeille ? » « Bien sûr ! » « Merci et au revoir. » « Au revoir ! C’est moi qui te remercie, bon travail ! »
Vendredi dernier, alors que je préparais une réunion très importante pour moi, elle a frappé à ma porte, est entrée, et son regard s’est éclairé. Elle m’a dit : « Bonjour ! Vous êtes là ! ». C’est une fille à peine un peu plus jeune que moi. Je lui ai répondu : « Ça fait un moment qu’on ne s’est pas vues, comment allez-vous ? » Elle a un peu hésité, puis s’est mis à me raconter : « Je n’étais pas là parce que j’ai tenté une insémination artificielle, mais ça n’a pas marché… » Ses yeux se sont remplis de larmes. J’étais médusée, et je me suis demandée : « Mais pourquoi elle me raconte ça à moi ? ». Elle a poursuivi en m’expliquant qu’elle avait l’intention d’aller à l’étranger pour essayer d’autres méthodes de fécondation. Je l’ai regardée, je lui ai dit que j’étais sincèrement désolée, et une phrase m’a échappé : « Je prierai pour toi ». Elle a alors continué en me racontant qu’ils avaient également tenté d’adopter des enfants dans un orphelinat de son pays, mais qu’ils avaient eu des problèmes administratifs. « Je te comprends très bien. Sais-tu que j’accueille deux enfants en placement familial ? » Elle m’a regardé et m’a dit : « Je ne le savais pas, mais maintenant, je comprends… Aujourd’hui, je suis venue au travail en espérant sincèrement que tu sois là ! » Nous avons parlé un peu de ce que voulait dire être père et mère, puis nous nous sommes mis d’accord pour aller prendre un café ensemble, vendredi prochain, après le travail. Ce qui m’a le plus frappée et qui m’a clouée sur place pendant qu’elle était devant moi, c’était de me demander ce qu’elle avait pu voir pour désirer que je sois là. Pendant des mois, elle est entrée dans mon bureau et a vidé ma corbeille à papier pendant que je détournais les yeux de l’ordinateur pour lui dire bonjour. C’est tout. Qu’avons-nous rencontré qui peut se communiquer en aussi peu de temps qu’il en faut pour vider une corbeille ?