Ce voyage, un cadeau extraordinaire

Je me suis rendu compte de la véritable nostalgie que je ressentais à ce moment-là, à cet endroit-là : ma nostalgie la plus évidente, c’était le manque d’une recherche du Christ
Eléonore (Paris)

Cher papa,
tout d’abord, merci pour les trois semaines que nous avons passées ensemble : elles m’ont donné l’occasion de réfléchir et de grandir personnellement. Sur le fait que la beauté, toute seule, ne suffit pas à satisfaire le désir de l’homme, je suis d’accord. Au bout de trois jours, j’en avais déjà marre de la mer et des paysages, pas parce que je n’en reconnaissais pas la beauté, mais parce que, le premier sentiment de bonheur passé, cela ne suffisait plus à me satisfaire complètement. Comme il arrive bien souvent dans ces cas-là, on réagit instinctivement, presque avec rage. Face à la fatigue et à la gêne du début, j’ai fait appel à la seule chose qui, depuis trois ans, arrive à me faire me sentir chez moi : l’Ecole de communauté, et la prière. En lisant dans ma chambre, un peu nonchalamment, les Exercices de la fraternité, j’ai été émue par ce passage :

« Dans notre vie, il y a facilement une fuite, une forme d’étourderie, un 'laissé de côté' ; comme dit tout de suite don Giussani, "la centralité de la Résurrection du Christ est directement proportionnelle à notre fuite, comme devant un inconnu" ; pour nous, souvent, c’est comme si le Christ manquait, comme s’il était un "inconnu" ; il n’est pas une présence familière qui nous attire et nous remplit. […] C’est dans la Résurrection que se situe la clef de voûte de la nouveauté du rapport entre moi et moi-même, entre moi et les hommes, entre moi et les choses. […] Il n’y a pas de religion plus matérialiste que le christianisme : il est l’affirmation de circonstances concrètes et sensibles, ce qui fait qu’on n’éprouve pas une nostalgie de grandeur quand on se voit limité dans ce qu’on doit faire. Même si c’est quelque chose de petit, ce qu’on doit faire est quelque chose de grand, parce que c’est là que vibre la Résurrection du Christ."
Avec cette Présence dans les yeux, nous pouvons tout regarder et tout juger ; nous pouvons avoir un regard plein de lumière sur notre temps, sur le vide, sur la violence, sur la tribulation, sur l’intolérance.
 »

Je me suis rendu compte de la véritable nostalgie que je ressentais à ce moment-là, à cet endroit-là : ma nostalgie la plus évidente, c’était le manque d’une recherche du Christ. Comme si cette "beauté" pouvait me suffire et que je n’avais besoin de rien d’autre pour être heureuse. Ce qui me frappe toujours, c’est que, même quand je dis non, même quand je tourne la tête de l’autre côté, je dis non à Quelqu’un de bien précis. Savoir à qui je dis non signifie reconnaître Sa présence et Sa place dans ma propre vie. Voilà pourquoi je ne me suis pas scandalisée de mes faiblesses et de mes oublis. A partir de là, j’ai désiré comprendre ce que voulait dire 'être là à 100%', n’importe où et même avec des personnes très différentes de moi, des personnes vraiment belles à regarder. Belles, parce que, dans leurs yeux, il y avait une gratitude et une joie que, dans la vie, je n’ai rencontrées que sur les visages de telle et telle personne qui m’accompagnent depuis maintenant trois ans. Ils étaient beaux parce qu’ils étaient là, parce que, tout compte fait, eux aussi, ils disent oui tous les jours, et qu’ils savent à qui ils le disent. Cela a été évident le soir où nos amis de CL ont donné une ‘fête’ pour nous saluer. J’étais émue parce qu’ils vivent une expérience bien différente de la mienne, mais je n’ai pas pu ne pas me sentir pleine d’émerveillement devant leur beauté. Cette beauté, cette gratitude, sont ce qui me maintient attachée de plus en plus à une compagnie qui m’aide à prendre conscience, à re-prendre conscience de ce qui m’entoure. Grâce à ces personnes, des inconnues pour moi, je me suis sentie comme serrée dans les bras et aimée à nouveau dans toute ma faiblesse, dans toute mon imperfection. J’ai compris que, dans la vie, je veux m’entourer de personnes qui ont ce regard-là, pour pouvoir me sentir chez moi.