Ces huit heures avec notre fils

La doctoresse musulmane nous regardait comme si, finalement, elle avait compris notre insistance à vouloir garder l’enfant, à le faire naître à Dubaï où nous vivions depuis cinq ans. Elle avait compris que, pour nous, Giacomo avait de la valeur
Silvia (Dubaï, Emirats arabes unis)

Il y a un mois, Giacomo est né, atteint d’encéphalite. Les jours précédant sa naissance, j’éprouvais de la peur et même de l’angoisse. J’attendais ce moment depuis neuf mois, me confiant totalement au Seigneur, mais je ne me sentais pas prête à ‘laisser partir’ cet enfant. A peine né, il fut baptisé par mon époux. La doctoresse - de confession musulmane - qui m’avait accouchée, le tenait dans ses bras ; elle qui n’avait eu de cesse de me répéter d’avorter ou de retourner en Italie pour accoucher.
Dès qu’il fut contre moi, j’éprouvai une joie immense. Cet enfant, malformé, était un don immense pour nous. Nous l’avions aimé et attendu, comme nous l’avions fait pour nos autres enfants. Il reçut le sacrement de confirmation de la main de Don Andrea qui était venu exprès d’Italie. Il rencontra ses trois sœurs, ses grands-parents, sa tante, de nombreux amis arrivés d’Italie pour nous tenir compagnie et Rachel, la Sœur colombienne qui nous avait été d’une grande aide et nous avait accompagnés durant tous ces mois.
La doctoresse musulmane nous regardait comme si, finalement, elle avait compris notre insistance à vouloir garder l’enfant, à le faire naître à Dubaï où nous vivions depuis cinq ans. Elle avait compris que, pour nous, Giacomo avait de la valeur, que, pour nous, il était une personne, cet enfant à qui nous voulions tout donner comme n’importe quel parent désire le faire pour son enfant. Elle était étonnée, peut-être touchée, cela se voyait. Avant de partir, elle m’embrassa (elle qui durant les visites ne s’inquiétait même pas de savoir comment j’allais !) et elle serra dans ses bras Rachel (qui était restée là toute la journée) en lui demandant de prier pour elle.
Quand tous furent partis, nous restâmes, mon mari et moi, avec Giacomo. A ce moment-là, j’éprouvai une paix jamais ressentie de toute ma vie ; une paix évidemment donnée par le Seigneur. Parce qu’humainement, une mère ne peut pas être en paix devant son fils qui est en train de mourir. Je ne peux pas dire qu’il n’y avait pas de douleur, au contraire : la douleur fut très forte. Et, encore maintenant, la peine de ne pas l’avoir auprès de moi est immense. Le désir de toute mère est de voir grandir ses enfants. Mais, durant ces neuf mois, nous nous étions vraiment confiés au Seigneur et, pour les huit heures de vie de Giacomo, Il nous a comblés de Sa Grâce.
La messe de funérailles fut très belle. Don Roberto était là ; il y avait quelques amis de la petite Communauté de Dubaï et beaucoup de ‘relations’, collègues de mon mari, mères des amis d’école de mes enfants, « nouveaux amis » parmi lesquels de nombreux musulmans. Nous ne nous y attendions pas et nous avons éprouvé de l’émotion, et de la gratitude envers tous ceux qui partageaient notre douleur et qui avaient été profondément touchés par Giacomo. Alors, j’ai compris pourquoi le Seigneur nous avait voulus à Dubaï. A cette occasion, mais déjà durant ma grossesse, nous avons été des témoins de la Présence du Christ dans notre vie, de manière silencieuse. Nous avons vécu et témoigné de la certitude que Jésus a vaincu la mort, et que, sans la certitude de la Résurrection, la vie ne serait que désespérance.