La confrontation avec ma prof préférée

Quand j’ai cette grâce de me découvrir moi-même à fond, dans une circonstance totalement inattendue, je suis libre et je n’ai plus peur
Lettre signée

Cette année j’ai eu un rapport assez mouvementé avec ma prof d’italien qui est essentiellement la seule, parmi tous mes enseignants, avec qui j’ai un minimum de dialogue. Mais de temps en temps cette relation privilégiée semble compromise. Il y a quelques semaines, elle m’a dit que je ne pouvais pas terminer une composition avec une question, question à laquelle le lecteur ne trouverait pas forcément d’intérêt à répondre. Là, ce fut vraiment une déception, car c’était comme si elle me disait de renoncer à mes demandes, qui me sont pourtant vitales et qui donnent sens à ma vie. Quelques jours plus tard, je l’ai sollicitée pour un conseil sur mon travail de fin d’année et elle me l’a démonté. Sa manière de se comporter avec moi m’a laissée très amère et c’est ainsi que nous avons eu une sorte d’altercation. Le jour suivant, remplie de cette amertume, je l’ai croisée dans le couloir et je suis allée la voir pour lui dire à quel point j’étais désolée de ce qui était arrivé. Elle a commencé à me dire que, au moins dans le cadre de l’école, je devais faire les choses dans le but de ‘rendre heureux’ les autres. Moi je lui ai répondu que j’étais en désaccord avec elle, car en toute occasion j’expérimente ce fait que si une chose ne m’intéresse pas et ne me rend pas moi-même heureuse, alors je suis incapable de la communiquer aux autres. Elle m’a alors dit que j’avais une intelligence et une profondeur dans la vie dont tout le monde n’est pas doté et que ceci fait de moi la personne que je suis, mais que dans le cadre scolaire je dois chercher à concilier ce qui m’intéresse et ce qui pourrait intéresser les autres. Je l’ai remerciée et je lui ai dit de continuer à me le rappeler, même au prix de confrontation ; à quoi elle répondit : « Je continuerai toujours à te dire ce que je pense, parce que je tiens à toi, même en sachant que tu te mettras en colère – apprends qu’ hier après notre prise de bec j’ai pensé à toi tout l’après-midi ». A la fin elle conclut ainsi : « Sache une chose, je te veux un grand bien, justement parce que nous sommes aux antipodes ». A la suite de cet échange, j’ai immédiatement fait l’analogie avec ce que don Pigi a dit au Triduo c’est-à-dire que tout ce que nous avons en commun, c’est le cœur. Toutefois à vrai dire, je ne parvenais pas à comprendre à fond ce que cela signifiait, cela restait quelque chose d’un peu vague et abstrait. Mais dans ce dialogue avec cette prof il s’est passé quelque chose, là, devant nos yeux, non au niveau théorique ou idéologique, mais au sein-même de l’expérience. Je continue à découvrir que ce qui est fondamental dans ma vie, c’est de ne pas me perdre moi-même. Parce que quand j’ai cette grâce de me découvrir moi-même à fond, dans une circonstance totalement inattendue, je suis libre et je n’ai plus peur. A tel point que je peux me tenir en face de ma prof, même en me confrontant à elle et dire qui je suis et ce que j’ai dans le cœur.