Le besoin d’être préférée

J’ai compris que Jésus était le seul à qui je pouvais demander d’être préférée ; pas aux professeurs, pas aux amis
Annamaria (Milan)

Cher don Carron,
Je veux te raconter ce que j’ai vécu ces derniers mois. Il s’agit d’une expérience concrète et bien réelle. En mars, j’ai quitté Milan pour Paris où j’allais faire mon stage et des recherches pour mon mémoire. J'ai passé des mois incroyables : j'ai rencontré des amis qui m'ont aidée à avancer dans mes projets et dans ma vie. Par exemple, un professeur, dont j’avais fait la connaissance tout à fait par hasard, m'a conseillé d’approfondir le plus possible ma passion pour ce que j'étudie, et m'a poussée à regarder avec autant de profondeur tous les aspects de ma vie, au quotidien. Je lui ai fait rencontrer mes amis du CLU, je l'ai invité à dîner chez moi et, sans avoir rien fait de particulier, j'ai découvert ce que signifie le fait d’être ‘préférée’. Au fil des mois, j'ai bâti mon avenir d'une manière inattendue. J’étais consciente du Mystère qui m’accompagnait, se proposant chaque jour à moi, sous des formes différentes : nouveaux amis, nouveaux colocataires, adultes qui sont devenus très vite des amis et des compagnons sur mon chemin de vie.

En juin, je suis rentrée à Milan avec une richesse que je n'avais pas cherchée et qui m’avait été donnée avec une gratuité inattendue, mystérieuse. De retour à la « normalité », mon seul but était de raconter (ou plutôt de crier) à tout le monde ce que j’avais vécu, et cette énorme expérience de la ‘préférence’. Je me suis donc remise à faire les choses que j'avais quittées en partant, mais ma rentrée a été complètement différente de mes attentes : les examens, les amis, la vie quotidienne ne me semblaient plus les mêmes, n’étaient pas au niveau de la beauté et de l’intensité que je venais de vivre. J'étais triste et déçue.

Moi qui aurais voulu crier au monde entier la beauté et la grâce que j'avais découvertes et qui étaient entrées dans ma vie, je n’y arrivais pas : mes amis ne semblaient pas intéressés par mon expérience. J'ai passé des jours et des jours pleins de tristesse et de colère ; j'avais l'impression de ne plus être chez moi. Je ne me sentais plus à ma place dans un endroit qui, pourtant, avait énormément contribué à ma croissance en tant que personne ; je ne me sentais pas ‘préférée’, alors que j’étais dans ma ville avec mes meilleurs amis. Je commençais à vivre dans une indifférence totale. J'avais eu la prétention de vouloir dire : « Voilà ! Je suis là, moi, et j'ai beaucoup de choses à raconter… Ecoutez-moi ! ».
Alors, j'ai décidé d'appeler mon père et de lui confier mes états d’âme : « Est-ce que c’est mal d’avoir besoin d’être préférée ? Est-ce une prétention que j’ai envers les autres ? » Il m'a répondu que non, que c'était normal, mais qu’il n’y en a qu’Un qui puisse nous préférer. Et j’ai compris que Jésus était le seul à qui je pouvais demander d’être préférée ; pas aux professeurs, pas aux amis.

Cette préférence ne dépend pas du lieu où j’habite, ni des personnes qui m’entourent, ni des circonstances. Je désire que la source de cette vitalité et de cette préférence soit constante dans ma vie, soit source de certitude ; qu’elle ne dépende pas de mes efforts personnels ni des autres, mais de la certitude de ce que j’ai rencontré et que je veux appeler par son nom en lui donnant un visage très clair : Jésus-Christ.