Ce tresor qui s’est révélé petit à petit

À présent que V. nous était devenu si cher, il était temps d’aimer plus son destin que notre propre attachement à lui
Lettre signée

Quand V. est arrivé chez nous, nous accueillions déjà quatre enfants. Dès le début, il s’est révélé être un enfant maussade, morne, ayant tendance à se renfermer sur lui-même parce qu’il ressentait tout comme lui étant hostile. Peu à peu il a pris conscience que la perspective de rentrer chez lui s’amenuisait car la situation de sa famille devenait de plus en plus difficile. Un soir, en rentrant à la maison il m’a confié en sanglotant qu’il se sentait comme un bateau en train de couler. Alors je lui ai répondu : “Si tu le veux, j’aimerais pouvoir porter avec toi un peu de ce poids”. Il m’a fait signe que oui et il s’est apaisé. Si je ne pouvais pas guérir cette douleur, je pouvais néanmoins l’accompagner. A partir de ce moment, quelque chose s’est modifié dans notre rapport. A chaque fois que des situations difficiles et compliquées se présentaient, je repensais à ce moment de vérité et de bonté que j’avais vécu avec lui. Les liens de proximité qui grandissaient entre nous contribuaient à faire émerger ses qualités (sa générosité et sa disponibilité) et V. commençait à expérimenter la confiance envers la réalité et envers lui-même. Nous avons constaté qu’il demandait une attention plus importante que celle que nous pouvions lui accorder. Alors en accord avec les services sociaux, nous avons pensé sérieusement à une famille uniquement pour lui. A présent que V. nous était devenu si cher, il était temps d’aimer plus son destin que notre propre attachement à lui. Nous avons fait la demande d’une famille auprès de nos amis des Familles d’accueil. Deux jours plus tard l’une d’elles s’est rendue disponible. Nous savions que ce que nous offrions à cette famille était un précieux “trésor” qui s’était révélé seulement avec le temps : nous l’avions vu durant cette étape de vie ensemble. A leur tour de le découvrir.