Jusqu’à il y a peu, même si la situation des migrants me frappait, je ne m’y intéressais pas particulièrement. La seule chose qui m’intriguait et qui attirait ma curiosité était que quelques amis de Fribourg travaillaient dans le cadre de la caritative avec les réfugiés. Aussi, quand une initiative a été lancée en février à l’université pour enseigner le français aux nombreux “demandeurs d’asile” du canton, je me suis présentée. Avant de commencer, la responsable du projet m’a écrit pour me demander si j’étais disponible pour faire passer un test permettant de déterminer le niveau en langue des immigrés. Le jour du test nous étions dans un grand amphithéâtre : les réfugiés étaient très nombreux et de diverses nationalités (pour la majeure partie éthiopiens, érythréens, syriens). Pendant que les interprètes traduisaient au micro les messages de bienvenue, les indications de comportements et les consignes pour le test, j’ai commencé à les regarder un à un et à un certain moment, de manière inattendue, les larmes me sont montées aux yeux. Je pleurais à tel point que j’en étais confuse et je cherchais à retenir mes larmes. Le soir, à la maison, je racontais à mon époux cet épisode de ma journée: par delà un certain sentiment de honte, j’avais la ferme intention de comprendre la nature de cette émotion. Il m’est apparu évident que les personnes que j’avais devant moi étaient voulues par Celui qui m’a également voulue. Depuis février, des choses magnifiques ont eu lieu avec mes élèves et amis immigrés. Par exemple, samedi j’ai été invitée aux fiançailles d’une de mes élèves afghanes. Cette occasion et mes cours de français ne parvenaient pourtant pas à me tranquilliser et à chaque fois que je lisais un article sur eux quelque chose hurlait en moi : “Mais toutes ces personnes ne peuvent pas être réduites à être un problème pour l’Europe ! Il y a quelque chose en plus, c’est une provocation énorme pour tous les coeurs !”. Cette expérience est fondamentale pour m’aider à vivre les problèmes de tous les jours. Parce que si c’est si évident que ces personnes sont un don pour moi, comment l’ensemble du réel peut-il ne pas l’être ? Cette demande m’accompagne puissamment, surtout dans les moments difficiles et c’est le point de vérité à partir duquel repartir.