Ma formation au service des urgences

Je ne sais pas ce qu’ont vu ces personnes, mais c’est vrai que pour pouvoir soutenir le regard d’autrui, j’ai besoin avant tout que ma vie soit soutenue par le Christ
Veronica, Gênes

J’aurai mon diplôme de médecine à la fin de cette année universitaire et je viens de finir deux semaines de formation au service des urgences. Ce service est un lieu particulier : moments d’attente durant lesquels on ne sait pas quoi faire et puis en quelques heures tout s’accélère et devient infernal. Pour les médecins du service, les jeunes médecins sont toujours trop nombreux et dans la frénésie des tâches quotidiennes à accomplir nous sommes même de trop. Ainsi il y a des journées où je rentrais très contente le soir et d’autres où je rentrais épuisée et frustrée de m’être sentie si inutile. Mercredi a été une de ces journées. A la fin l’idée d’y retourner me donnait envie de fuir. J’ai pensé que j’aurais pu être absente un jour, mais le lendemain j’ai quand même décidé de m’y rendre. Et sur le chemin, en scooter, j’ai demandé au Seigneur de se faire voir et que je puisse vraiment être une aide pour toutes les personnes que je rencontrerai. Je demandais : "si vraiment elles ne peuvent pas guérir, qu’elles puissent être aidées d’une autre manière." Cette journée de travail a été splendide et j’ai été utile en maintes occasions. J’ai été chargée de suturer la plaie d’un homme de 96 ans très lucide, blessé lors d’une chute à son domicile. Il était arrivé accompagné de son épouse tout aussi âgée, extrêmement inquiète de le voir ainsi dans une mare de sang. Elle m’a attendrie et j’ai eu à coeur de m’occuper d’elle. Entre un examen à vérifier et l’autre, j’allais en salle d’attente pour la rassurer. Au moment de l’autorisation de sortie, cette dame m’a déclaré : "Merci ! Car vous avez tant fait pour nous ! La manière dont vous vous êtes occupée de nous m’a touchée." Puis est arrivé un homme avec une sérieuse insuffisance respiratoire. Je l’ai installé et équipé et mis en observation. Vers la fin de ma garde, je retourne pour vérifier les paramètres, et profitant d’un moment de répit je lui demande comment il se sent. Il commençe à me parler de lui, de son travail, de sa vie, de la retraite marquée à la fois par la douleur de la perte récente de sa femme et la joie de voir grandir ses petits-enfants, de ses enfants, et tout ceci de manière très retenue, très calme. Et je ne sais comment mais nous nous sommes retrouvés à parler de la foi, du pape François. "Voyez-vous docteur, je ne suis pas, en bon originaire de la Région Emilia-Romagna, irréprochable vis-à-vis de l’Eglise, mais j’ai toujours été un homme de foi, un catholique. Mais ce pape...ce pape est spécial, il faut le suivre." Peu après est arrivé son fils, je finis de remplir le formulaire, je lui serre la main pour le saluer et suis sur le point de les laisser. C’est alors que mon patient s’adresse à son fils et dit : "cette docteure est d’une gentillesse toute speciale" et son fils lui répond "cela se voit papa, cela se comprend à son regard." En parcourant le couloir menant à la sortie, je pense et me dit que je ne sais pas ce qu’ont vu ces personnes, mais c’est vrai que pour pouvoir soutenir le regard d’autrui, j’ai besoin avant tout que ma vie soit soutenue par le Christ.