Les petites choses qui font tomber les murs

Je travaille depuis des années dans la médiation culturelle et je crois que ce genre de petites choses peut vraiment changer le monde
Florentina, La Spezia

Ces jours ci j’ai ressenti l’agréable sensation de voir tomber un de mes murs : une défiance mal cachée que j’ai toujours nourrie envers la religion qui a toujours fait partie de ma vie, quoique de manière négative. Je suis née et j’ai grandi en Albanie, sous le régime communiste, un régime qui a interdit la pratique religieuse jusqu’à détruire les lieux de culte. Ceux qui étaient surpris en train de pratiquer une religion étaient mis en prison. Ma famille était chrétienne orthodoxe et ma mère a su me transmettre toutes les valeurs du christianisme, comme le respect et l’amour du prochain, mais dépouillées de toute connotation religieuse. Pourtant je me souviens encore très bien d’elle qui priait en silence. Enfant, je m’approchais d’elle avec curiosité et lui demandais de m’apprendre à prier, mais elle n’a jamais voulu. Le mystère augmentait le charme de ce rituel interdit et je restais là en essayant d’imiter ses gestes. Une habitude que j’ai perdue en grandissant. Je suis arrivée en Italie complètement athée. Les deux premières années, mon travail consistait à prendre soin de deux personnes âgées. Ce fut une période très dure, j’avais un enfant et souvent j’étais obligée de l’emmener sur mon lieu de travail. Je devais m’occuper de lui et du couple en même temps. J’étais continuellement sous pression et dans ces moments difficiles je n’ai jamais reçu le peu d’aide ou de compréhension que j’attendais. Pourtant ces personnes étaient très pieuses, chaque jour je les accompagnais à l’église. A ce moment là, quelque chose s’est cassé en moi : j’ai rencontré la partie la plus superficielle de la religion ; jusqu’à aujourd’hui. J’ai une très bonne amie, Gianna, qui fait partie du mouvement Communion et Libération. Elle m’en avait parlé à plusieurs reprises, mais j’ai toujours gardé une certaine distance par rapport à un éventuel engagement de ma part. Elle a fini par m’inviter à des vacances : quatre jours dans le Val d’Aoste. J’avais énormément de réticence et mon mari qui est musulman en avait autant que moi, mais finalement nous sommes partis. Ces quatre jours ont été une surprise inattendue : une lumière qui m’a redonné espoir dans le futur. Nous étions 450, j’ai fait la connaissance de beaucoup de personnes qui avaient vraiment à cœur d’aider l’autre et de rechercher le bien. Les vacances se sont achevées par un moment de partage final et un sketch mettant en scène de manière ironique et amusante les moments les plus importants des jours passés ensemble. Les organisateurs ont appelé les personnes provenant d’autres cultures. Nous devions traduire une phrase dans notre langue maternelle et la faire chanter. J’ai entendu des personnes chanter dans ma langue et nous avons partagé un moment magique, presque rituel j’aurais envie de dire, mais d’un genre de ritualité plus lié à l’humain et à l’universel qu’à une religion spécifique. Je travaille depuis des années dans la médiation culturelle et je crois que ce genre de petites choses peut vraiment changer le monde.