La découverte d’une nouvelle paternité

Rien ne peut nous être enlevé si tout est déjà nôtre dans l’éternité. La disponibilité de mes parents pour la construction du Royaume de Dieu m’a toujours paru normale, car je les voyais vivre ainsi
Inès (Lisbonne, Portugal)

Je voudrais vous raconter la mort de mon père...
Il s’appelait Pedro Aguiar Pinto. Professeur d’agronomie à l’université, il avait été responsable diocésain de CL au Portugal durant quelques années ; il tenait une newsletter et un blog sur les thèmes de la foi, et, avec ma mère, il a préparé des centaines de couples au mariage. Il a animé des groupes d’Ecole de Communauté ; sa Fraternité a toujours accueilli ceux qui avaient le plus besoin d’un accompagnement ; et, tous les ans, il organisait le pèlerinage du Mouvement à Fatima. Au dernier pèlerinage, comme il n’y avait pas de place pour loger tout le monde, il décide d’aller dormir dans notre maison de campagne. C’est là qu’il meurt d’un infarctus, dans les bras d’un ami. Il était âgé de 61 ans.
Je voulais vous raconter cela car c’est un signe, parmi d’autres, de la préférence du Seigneur pour mon père et pour notre famille. Ces signes sont si clairs qu’ils nous sauvent. Entre la vie difficile d’un de nos fils, atteint d’une maladie rare, et la tumeur qui a touché ma mère il y a deux ans, nous n’étions pas inquiets pour la santé de papa. Aussi sa mort si imprévisible nous a-t-elle déconcertés mais, en même temps, rendus certains que la vie se gagne pourvu qu’elle soit confiée au Seigneur. Et cela libère de la peur de la mort ! Rien ne peut nous être enlevé si tout est déjà nôtre dans l’éternité. La disponibilité de mes parents pour la construction du Royaume de Dieu m’a toujours paru normale, car je les voyais vivre ainsi.
Or, ce qui était normal pour moi s’est révélé, à la mort de mon père, comme une abondance qui ne peut venir que d’une existence consacrée à Jésus-Christ et à son amour. Les relations qu’entretenait mon père avec un grand nombre de personnes que je ne connaissais pas - celles qui le croisaient à l’université ou au sein du Mouvement, ou les destinataires de sa newsletter - se sont révélées comme une paternité que je pensais seulement mienne. Pour moi, le sentiment prédominant n’est pas d’être orpheline, mais d’avoir gagné des frères et sœurs. « Vous ne me connaissez pas, mais votre père est le professeur qui m’a enseigné le plus de choses » ou encore « Je suis un lecteur assidu des écrits de votre père, je prie pour vous » : voilà quelques exemples de ce que m’ont dit ces personnes le jour de l’enterrement, en cherchant à me consoler. Nous étions en communion dans un même rapport avec le Père de tous.
Aujourd’hui, je comprends mieux ce qu’est l’Eglise, comment elle est née et comment elle renaît à présent dans le sang offert par tous les saints. Aujourd’hui, c’est en en prenant mieux conscience, que je dis : « Notre Père… »