Nous, comme eux

J’étais frappée par le fait qu’une collègue non croyante ou, pour le moins, non pratiquante, puisse être pour moi un signe du Mystère incarné

En discutant avec une collègue, j’ai appris qu’elle était bénévole dans un centre d’accueil pour migrants en Allemagne, tout près de Schauffhausen. J’ai été frappée par ce qu’elle m’a raconté et par l’humanité dont elle fait preuve dans son rapport avec les migrants. Je sentais bien qu’elle s’occupe d’eux car cela lui tient à cœur. Visiblement, pour elle, ce n’est pas un bénévolat que l’on fait peut-être par pitié : elle ressent le besoin de faire du bien et de regarder les migrants tels qu’ils sont, hommes et femmes, comme chacun de nous. J’étais frappée par le fait qu’une collègue non croyante ou, pour le moins, non pratiquante, puisse être pour moi un signe du Mystère incarné. J’ai demandé à ma collègue si je pouvais l’accompagner. Elle m’a appris que, un samedi sur deux, elle allait goûter avec les migrants et leur tenait compagnie quelques heures. J’ai alors proposé à des amis de venir avec moi, en me rappelant ce qui est écrit dans le livret de la caritative : ”Quand il y a quelque chose de beau en nous, nous nous sentons poussés à le communiquer aux autres. Quand nous constatons que d’autres sont dans une situation plus difficile que la nôtre, nous nous sentons poussés à les aider, à partir de ce que nous sommes. Une telle exigence est si fondamentale, si naturelle, qu’elle est en nous avant même que nous en ayons conscience, et nous l’appelons justement loi de l’existence.”

Nous étions donc huit, accompagnés de nos enfants. Nous n’avons rien fait de spécial ; nous étions tous ensemble, en majorité très jeunes ; nous avons discuté, quelques-uns ont joué à des jeux de société. Ce fut une après-midi vraiment belle. Avant tout, nous avons pleinement pris conscience de ce qui se passe en cette période cruciale. Le flux migratoire est un événement considérable et difficilement compréhensible : la plupart des migrants sont des gens ‘normaux’, des gens instruits, comme nous, des ingénieurs, par exemple. Je me disais que cela pourrait être moi si, au lieu de naître ici, j’étais née à Alep… Mais la chose la plus belle, la plus imprévue fut de me rendre compte que, comme on le dit à l’Ecole de Communauté, “la certitude d’être aimée me permet de me laisser embrasser par la réalité.” Avoir, à mes côtés, la présence de mes amis me prouve que je suis aimée, qu’il y a Quelqu’un qui me veut le plus grand bien. Et ce n’est que grâce à cette certitude que je réussis à embrasser la réalité, en retour. Et la simple discussion avec un jeune Syrien m’a rempli le cœur de gratitude.

Sara, Zurich (Suisse)