Pour quoi on vit - aussi - en prison

Durant l’Ecole de Communauté en prison, un détenu de Côme a raconté son histoire

"Je suis détenu depuis toujours. Eh oui ! je n’ai vécu que bien peu de temps hors de la prison. Lors de cette dernière détention, j’en étais arrivé à un point où je ne voulais plus vivre, où je ne savais plus quoi faire. Je ne voulais pas travailler, je vivais comme un robot, de manière automatique. En fait, jamais je n’avais pensé à la manière d’organiser ma vie, ni dedans ni hors de la prison. Or, en juin, les assistants sociaux m’ont invité à une rencontre dans la salle polyvalente. Je n’avais aucune envie d’y aller, puis je me suis laissé tenter par cette histoire de témoignage, mais surtout pour avoir l’occasion de sortir de ma cellule. Je suis donc descendu et j’ai écouté le témoignage de Stefania qui est volontaire en Equateur. Plus je l’écoutais, plus je sentais qu’il se passait quelque chose dans mon cœur, une espèce de métamorphose, une transformation, j’étais attiré par ses paroles.
"A un moment donné, elle a évoqué un homme qui était en train de mourir, des suites du tremblement de terre. Et il disait aux personnes qui lui étaient chères : 'Ne vous inquiétez pas, il est inutile de pleurer, j’ai une certitude au sujet de ce pour quoi j’ai vécu et aussi de ce pour quoi je meurs.' Après avoir entendu ces paroles, je me suis mis à penser, à analyser les raisons pour lesquelles je suis en vie et aussi les raisons pour lesquelles - ou pour qui - je pourrais mourir. A partir de là, j’ai revécu tout ce que j’avais fait de mal et j’ai commencé à sentir en moi une profonde inquiétude. J’ai compris que, jusqu’à présent, j’avais toujours cherché à justifier mes actes et mes choix, mais que ce n’était que mensonge envers moi-même et envers les autres. Et j’ai compris qu’il n’y avait aucune justification qui tienne.
"Après cette rencontre, la vie quotidienne a repris à la prison mais moi, je me sentais différent et j’avais le désir de ne pas continuer à vivre comme avant. D’un côté, cela me faisait peur car je ne savais pas comment être ni comment me comporter dans cette nouvelle vie. Une dizaine de jours après le témoignage de Stefania, mon cœur a commencé à chercher Dieu. J’ai commencé à Le remarquer, j’ai commencé à traiter avec amour ceux qui étaient avec moi. Je ne savais pas que j’en étais capable. J’ai pensé que le regard de Stefania, qui avait croisé le mien, était ce dont j’avais encore besoin. Alors, j’ai cherché, j’ai posé des questions et l’on m’a indiqué l’endroit où je pourrais la trouver : le Centre de documentation. J’ai demandé l’autorisation de m’y rendre. Là-bas, j’ai rencontré Patrizia : c’était le visage que je cherchais. J’ai été accepté et j’ai commencé à suivre ce chemin, habité par le désir d’apprendre à vivre avec Dieu, chaque minute, chaque jour, au quotidien.
“Deux mois plus tard, mon avocat m’annonce que je suis prêt à sortir en application de l’article 21. La liberté était à portée de main, mais j’ai refusé. J’ai demandé à mon avocat de déchirer les documents. Je désirais poursuivre ma route au Centre de documentation. J’ai eu l’intuition que c’était raisonnable, que je n’étais pas prêt à sortir, que j’avais besoin de donner un nom à ma transformation et, à présent, je suis certain d’avoir fait le bon choix. J’ai commencé à lire un livre de Don Giussani et j’ai senti que cet homme parlait à mon cœur. Patrizia m’a promis de m’apporter quelques livres de Giussani en langue russe. Je n’ai pas besoin de discours que je ne pourrais pas comprendre ; j’ai besoin d’un enlacement, d’un regard plein de bonté qui me fasse commencer à comprendre pourquoi je suis vivant. Je peux dire maintenant que, dans la vie, rien n’arrive par hasard. Chaque erreur et chaque choix qui m’ont amené en prison ont été l’occasion d’une rencontre, la rencontre de ma vie. Grâce à cela, Dieu m’a mis en route. Il m’a fait connaître d’abord Stefania puis Patrizia et tous les jeunes du Centre de documentation. C’est pour cette raison que je peux affirmer que, même en prison, je suis heureux et je nourris une espérance pour l’avenir.
“Le premier regard de Stefania et le regard de Patrizia sont les plus beaux cadeaux que Dieu m’ait donnés, cette année.”

Sasha