Je travaille dans un petit établissement public et depuis pas mal de temps la situation est compliquée avec risque de redressement judiciaire et par conséquent une fusion dans un autre organisme. À cause de tout cela, le climat entre collègues est souvent tendu et parfois nous sommes surchargés de travail. Il y a quelques jours, une réunion syndicale fut convoquée pour clarifier certaines prises de position de la part de nos représentants syndicaux. Moi qui d’ordinaire suis réfractaire à ce genre de choses, je me suis toutefois rendue à la réunion. Au bout d’un quart d’heure à peu près, durant lequel mes collègues ont donné le pire d’eux-mêmes avec des cris, des invectives et un ton hors de propos, je suis partie pleine d’amertume. Quelques jours plus tard, quelques collègues ont proposé d’aller voir le juge afin de faire valoir leurs droits. Durant la fin de semaine, j’ai relu l’interview de Carrón (Tracce n° 2017/2) et quelque chose en moi a commencé à se mouvoir, ce que j’avais observé et ma propre réaction ne m’avaient pas laissé tranquille. Lundi matin j’ai écrit aux collègues leur demandant d’envisager autre chose que le recours au juge, leur précisant qu’il pouvait exister une autre manière de traiter le problème. Le lendemain, une collègue vient me voir à mon bureau et de manière très provocante me salue par un « peace and love ». Moi je la regarde et je lui réponds que mon caractère n’est certainement pas celui d’une pacifiste, mais qu’après avoir assisté à tant de situations pénibles, mon désir était à présent celui du dialogue avec qui y est disposé. Elle me remercie et me confie qu’elle attend quelque chose pour se remettre à l’œuvre, qui l’aide à regarder le problème d’un autre point de vue. Cette collègue fait partie de ceux qui sont le plus éloignés de moi pour diverses raisons : politique, orientation sexuelle et histoire. Et pourtant à présent elle est celle que je recherche chaque matin, que je vais saluer et avec qui j’ai envie d’aller prendre un café.

Lettre signée