Ces regards sur Jésus

Entre 1439 e 1446, Fra Angelico travailla à l’un des plus extraordinaires cycles du Quattrocento italien : les fresques du couvent de San Marco à Florence

Entre 1439 e 1446, Fra Angelico travailla à l’un des plus extraordinaires cycles du Quattrocento italien : les fresques du couvent de San Marco à Florence, où les dominicains s’étaient installés par la volonté des Médicis. Angelico (dont le vrai nom est Giovanni de Fiesole) réalisa un projet étudié dans les plus petits détails, en enrichissant les cellules de dessins qui accompagneraient la méditation des frères. Chaque zone du couvent a été étudiée en imaginant celui qui devrait l’habiter. Cette scène du Discours sur la montagne par exemple, se trouve dans une zone du couvent destinée aux convers : des frères demeurés laïcs, exclus du sacerdoce, qui pourvoyaient aux nécessités matérielles de la communauté. Sept cellules leur étaient destinées. En général, il s’agissait de personnes issues de classes pauvres, donc avec peu d’instruction. C’est pour cette raison que Fra Angelico imagina un programme iconographique simple pour faciliter la compréhension des messages en s’appuyant sur l’évangile de Matthieu. Dans la seconde cellule des convers, la numéro 32 du couvent, il peignit ce Discours sur la montagne (Mt 5, 1-48). Le dessin est très essentiel, à l’image de cette solidité de construction que Fra Angelico avait apprise de Masaccio. Sur une plateforme rocheuse qui veut exprimer la fiabilité du message de Jésus, on voit les apôtres de dos, disposés en cercle pour écouter le Seigneur. Cette disposition représente l’Église à son stade germinal. Fra Angelico n’interrompt la sobriété presque rude de l’ambiance qu’avec l’alternance chromatique, presque rythmique, des vêtements des apôtres : vert kaki, couleur sinopie, ocre jaune et rouge, comme pour faire ressortir les spécificités de chacun dans la convergence vers la figure centrale de Jésus qui est assis sur un rocher en hauteur. Il a en main(s) le rouleau des Évangiles, pendant que de l’autre il indique le Père comme source des béatitudes qu’il est en train d’annoncer. Sur ce grand chantier, Fra Angelico faisait travailler son équipe (dont faisait partie par exemple Benozzo Gozzoli). Mais deux choses sont de façon certaine de sa main : l’extraordinaire invention, presque cinématographique, de l’ensemble et la figure de Jésus qui attire ces pauvres regards avec sa parole paternelle.

Giuseppe Frangi