Ce pèlerinage vécu dans l’autocar

Ce fut comme de me trouver de l’autre côté, du côté des actes de charité, en accueillant sans relâche des personnes qui incarnaient la grâce que j’avais demandée

Fin mai, je ne m’étais pas encore inscrit au pèlerinage Macerata Loreto. J’avais été vraiment trop fatigué la dernière fois ! Mais Flavio déclare : "J’ai tant à rendre grâce… J’y vais ! A la limite, j’arrêterai avant la fin." Je croise le regard de Ben qui semble ne rien souhaiter d’autre que nous nous inscrivions, promettant de ne pas nous perdre de vue durant la marche. Le jour du départ tant attendu, il y a une foule de jeunes dans l’autocar, mais aussi beaucoup de ‘vétérans’. Les paroles du Pape, un coucher de soleil à couper le souffle, la peur de la fatigue… On commence à descendre à travers la ville, Ben me précède, mais on reste en contact par le regard. Soudain, une entorse et une douleur lancinante. Je reprends ma respiration et mon courage, et décide de repartir en boitant. Je rejoins Ben qui m’a attendu ; je lui dis de poursuivre, et que je m’arrêterai au premier poste de secours.
Le médecin de garde observe mon pied gonflé et secoue la tête : "Tu ne peux pas marcher !" Il me fait monter dans l’autobus où je fais connaissance avec Maria, une bénévole qui dépasse largement mon âge (53 ans) mais surtout, qui me surpasse en patience. Elle ne me quitte pas un instant, m’apporte une couverture, me fait asseoir : "Nous n’allons pas à Loreto, nous allons au prochain poste de secours." Ok ! pensais-je, je réciterai au moins plusieurs chapelets. On arrive et, en attendant mon tour, je pose quelques questions à Maria sur sa vie. Elle est bénévole depuis toujours, sans enfants ni famille, mais avec beaucoup d’amis. Je lui dis que j’ai fait une dizaine de pèlerinages, que c’est la première fois qu’il m’arrive une chose pareille, mais que je suis content de la rencontrer.
Pendant une heure, je croise les regards des pèlerins, d’abord avec la crainte d’être jugé ‘malchanceux’, puis avec embarras, enfin en participant à la prière. Nous prenons le bus de queue. Une fois montés, on nous explique que nous irons à Chiarino, dans un centre d’accueil. Il s’agira d’une véritable prise en charge. Passent devant moi des personnes plus mal en point et je ne peux que m’apitoyer sur leur cas. L’atmosphère est sereine. Toutefois, une femme blessée au genou se désole. Le médecin lui dit : "La réalité des choses nous instruit ! Tu as quand même fait ton pèlerinage ! Moi, il y a des années que je le fais ainsi." Finalement, je monte dans l’autocar pour Loreto. Avant le départ, un assistant me dit : "Vous avez vécu un pèlerinage différent de celui que vous imaginiez, différent de celui que nous vivons tous les ans, mais ce n’est pas pour ça que vous n’avez pas participé ! Si vous voulez, la Santa Casa ouvre à 17 heures, je vous conseille de la visiter avant que les autres n’arrivent et vous irez à leur rencontre dès qu’ils arriveront".
A cet instant, tout devient clair pour moi : dans mes intentions de prière, j’avais demandé d’être délivré de la haine que je ressentais envers le monde et les gens. Or, toute la nuit, ce fut comme de me trouver de l’autre côté, du côté des actes de charité, en accueillant sans relâche des personnes qui incarnaient la grâce que j’avais demandée. En me souvenant des prénoms des bénévoles que j’avais vus dans l’autocar, je me suis mis à pleurer comme un enfant, à quatre heures du matin, entouré de pèlerins somnolents : dans l’autobus, ils m’étaient devenus proches et non plus étrangers.

Luca