Le gout du « début » par la grâce d’un enfant de quatre ans

Comme on voudrait être constamment surpris par un événement qui rendrait tout comme nouveau !

Cher Julian,
depuis cette année, j’ai la chance de travailler comme enseignante de soutien, avec un enfant de quatre ans qui a un déficit linguistique et relationnel. Au bout d’un mois de travail, je me suis parfois surprise à le regarder en pensant aux difficultés qu’il aurait à affronter dans la vie, et en me demandant, sans comprendre, pourquoi on lui avait donné ce fardeau à porter. Mon regard se fixait sur une idée des choses, telles qu’elles devraient être, à mon avis.

Dernièrement, un jeudi, j’ai été retenue à l’école jusqu’à midi pour un imprévu. En rentrant chez moi, j’ai commencé à lire le texte de la Journée de début d’année : “Comme on voudrait être constamment surpris par un événement qui rendrait tout comme nouveau ! Alors, on découvrirait toujours plus complètement que, si quelque chose chante, c’est parce que Tu le fais chanter ; s’il vibre, c’est parce que Tu le fais vibrer, parce que Tu es en toutes choses, parce que Tu demeures en moi”. En lisant cela, j’ai pensé qu’il était impossible que les choses soient tout le temps nouvelles et j’ai arrêté de lire, sans y accorder d’importance.

Or, quand je suis revenue à l’école, l’enfant avec qui je travaille a couru vers moi en criant : “Alice ! Alice est arrivée !” et il est venu se jeter dans mes bras. C’est une chose qu’il fait tous les jours mais, ce jeudi-là, je ne m’étais absentée que très peu de temps (à peine une heure et demie) et je ne m’attendais pas à cette réaction.

J’ai commencé à le regarder avec tendresse et émotion, en me demandant : “Mais comment fais-tu, toi qui n’as que quatre ans, pour m’aimer tellement et me voir toujours comme si j’étais neuve ?” Ce jour-là, j’ai reçu la grâce de redécouvrir que rien n’est impossible et que, sur lui aussi, un projet plus grand que mon idée avait été pensé, par exemple le fait d’aider les autres à voir les choses avec son enthousiasme. Et c’est en partant de son regard que j’ai commencé à le regarder d’une façon différente et à me regarder moi-même. Et les choses ont retrouvé le goût du début.

Alice