Alfie. Cela dépasse toute idéologie

J’étais en train d’opposer aux discours idéologiques que j’entendais ou lisais, des discours tout aussi idéologiques, alors qu’il s’agissait de ce que j’avais vécu

Cher don Julián,
J’ai subi deux avortements spontanés et, me trouvant à nouveau enceinte, je n’ai pu ignorer les discussions concernant le petit Alfie Evans. Mais je me sentais gênée et déçue par certaines déclarations qui défendaient des valeurs justes, certes, mais qui visaient les juges, les médecins, les politiciens… Et je pensais à mon mari, agnostique, qui avait changé de point de vue sur l’avortement – qu’il ne défendait pas, mais pour lequel il ne voyait aucun problème – lorsque nous nous y sommes trouvés confrontés et qu’il a dû admettre que cet embryon était une vie. Pourtant, ce qui l’a fait changer, ce n’était pas un discours que moi ou un autre aurions pu tenir. D’ailleurs, je m’apercevais que quelque chose n’allait pas : j’étais en train d’opposer aux discours idéologiques que j’entendais ou lisais, des discours tout aussi idéologiques, alors qu’il s’agissait de ce que j’avais vécu.
La veille des Exercices spirituels, j’ai entendu le père d’Alfie témoigner au Journal télévisé et je me suis demandé : « Que signifie pour moi le fait que cet enfant ait respiré alors que cela n’était pas prévu ? Que signifie le fait que ma vie, la vie de mon enfant, celle d’Alfie et de son père, nous soient données ? » Et, ce soir-là, j’ai cédé : je suis allée au fond de ce que disait le père d’Alfie et au fond de ma propre expérience ; j’ai lâché prise, je me suis laissé embrasser par Celui qui me fait aujourd’hui, qui fait mon fils, mon mari, ma sœur, ou l’ami avec lequel il peut y avoir des moments d’incompréhension. J’ai pu lui redire « Toi ». Et ce n’est qu’à ce moment-là que je me suis sentie vraiment libre, car je m’étais laissé rattraper par les cheveux et je reconnaissais à Qui j’appartenais. Je me rends compte qu’en dehors de cette expérience, je reste accrochée à mes positions, ou à un fait du passé, sans avoir la légèreté ou la tendresse qui m’imprègnent lorsque je me laisse rattraper et que je Le reconnais. On a tous besoin de se sentir embrassé par Quelqu’un qui nous dit : « Même les cheveux de ta tête sont tous comptés. »

Cecilia, Shanghai