Il faut toujours que quelqu’un ouvre devant nous la porte

L’action caritative dans une prison près de Paris. Dix-sept portes à franchir et une croix en allumettes. Pour comprendre que : « Tout seul nous n’ouvrons pas la porte de notre cœur »
Marie-Michèle Poncet

Nous allons une fois par mois à la prison de Fleury-Mérogis pour la célébration de la messe que nous animons avec l’aumônerie de la prison, pour les 60 détenus du bâtiment D2 qui y sont inscrits. Cette expérience est très discrète, nous pouvons facilement l’oublier, la laisser passer, ne plus l’estimer ni reconnaître l’importance de notre venue pour les prisonniers, car nous ne faisons rien apparemment, sinon être là.

L’équipe d’aumônerie de la prison comprend des prêtres, des laïcs aumôniers qui animent aussi les groupes bibliques du samedi après-midi, et visitent en cellule les prisonniers qui le demandent. Il y a plus de 4500 détenus à Fleury, répartis dans 4 bâtiments d’hommes et un de femmes. Quatre messes sont célébrées le dimanche dans chacun des bâtiments, à chacune de ces messes ne peuvent s’inscrire que 60 détenus.

Pour cette caritative, nous sommes un groupe de 7 personnes, 6 du mouvement et 1 amie de la paroisse de Mathilde.
Il faut se lever tôt pour aller à Fleury, nous retrouvons sur le parking vers 8h le prêtre et Ervan , notre aumônier laïc, nous arrivons munis de notre carte d’identité, des photocopies des textes traduits en 6, 8 ou 9 langues différentes, des feuilles de chants, des fleurs distribuées aux prisonniers à la fin de la messe, auxquelles ils tiennent beaucoup !

C’est un effort au saut du lit qui s’estompe pendant le trajet en voiture souvent très joyeux. Chaque fois quelque chose d’inattendu arrive là, tout comme notre joie imprévisible à la fin de cette matinée !

Ce dimanche, quand je m’assoie sur le banc, je remarque qu’il y a une nouvelle croix, mon voisin m’explique que c’est Serge, un détenu servant la messe, qui l’a faite en collant des allumettes ! Elle est très grande, le Christ se détache sur un espace vide au cœur de la croix car, explique Serge, le Christ est au cœur de chacun de nous. À la fin de la messe, notre prêtre Philippe nous dit qu’il a eu besoin de 150 boites d’allumettes.

Depuis plusieurs dimanches Ervan distribue des petites feuilles de papier et des stylos au moment des intentions de prière que chacun peut écrire, elles sont portées sur l’autel et Jeanne en lit quelques unes. J’entends celle-ci qui me bouleverse : « Très miséricordieux Jésus, je te remercie pour tout ce que tu as fait pour moi depuis ma naissance jusqu’à ce jour, j’ai confiance en toi et c’est en toi que j’espère. Je reconnais devant mes frères que j’ai péché en pensées, en paroles, par action et par omission, donne moi la possibilité de lâcher mon péché, de me faire pardonner, pose ton regard saint et miséricordieux sur moi, afin de me remettre la peine éternelle et temporelle de mes péchés ; redonne vie à mon âme par le miracle de ta miséricorde divine et permet moi d’accéder à la plénitude de ton amour. Dieu saint, Dieu fort, Dieu éternel, prend pitié de nous et du monde entier, Jésus j’ai confiance en toi, Amen »

Je viens depuis très longtemps à la caritative, depuis des années. Pour la première fois j’ai ressenti cette émotion : ici il faut toujours que quelqu’un ouvre devant nous la porte, et nous ne pouvons entrer que tous ensemble ! L’un de nous autrefois avait compté qu’il nous fallait franchir chaque fois 17 portes pour arriver dans la salle où nous célébrons. « Il faut toujours que quelqu’un nous précède et nous ouvre la porte et nous n’entrons que tous ensemble ».

Tout seul nous n’ouvrons pas la porte de notre cœur, d’autres nous précèdent, ils nous ouvrent et nous conduisent, ils sont des signes de Sa Présence ici.