Grévistes à Paris

La grève et l’Espérance

Entre grèves et revendications, une ultime question resurgit : qu'est-ce qui peut faire renaître l’espérance et une société où la solidarité entre les gens existe vraiment ? Un témoignage depuis Paris

« J’accuse Macron, Hollande, Sarkozy et l’UE de m’avoir tué en créant des incertitudes sur l’avenir de tous et toutes. J’accuse Le Pen et les éditorialistes d’avoir créé des peurs plus que secondaires ». Voici le cri (d'accusation) d'un étudiant lyonnais qui s'est immolé devant un restaurant universitaire à Lyon début novembre.
Quelques jours plus tard, un syndicat publiait un communiqué dans lequel la colère était exprimée comme suit : « Nous n’acceptons pas de mourir ou de voir mourir du mal-travail et de la mal-vie qui nous sont imposés. Nous ne voulons pas passer notre vie à la perdre ni même être condamnés à juste survivre. »

Qui parmi nous ne peut pas faire sien ce souhait ? Ce cri pour la justice et le besoin de sens ? En quoi vaut-il la peine de se réveiller le matin, dans les difficultés que nous vivons tous ? Qu'est-ce qui peut nous donner une espérance capable de surmonter les difficultés et les craintes ?

Le communiqué syndical continue : « Nous voulons une société laïque et émancipatrice, où la solidarité et l’entraide priment sur le chacun pour soi et la concurrence, où chacun ait les moyens de vivre et travailler dignement. […] Nous appelons à une mobilisation massive le 5 décembre et les jours suivants pour que la jeunesse n’ait plus à se poser cette question lancinante et dévastatrice : “Après ces études, combien de temps devrons nous travailler, cotiser pour une retraite décente ?”. Pour que l’espoir renaisse ! ».

Nous sommes tous témoins de cette mobilisation massive qui a changé la vie quotidienne de beaucoup d'entre nous. L'incertitude sur l'avenir est devenue incertitude sur le présent : comment aller travailler aujourd'hui ? L'école de mon fils sera-t-elle ouverte ? Est-ce que je pourrai voir ma famille pour les vacances de Noël ? Ces questions, certainement moins dramatiques que celle qui a conduit l'étudiant de Lyon à s’immoler, sont devenues nos compagnes de route constantes ces jours-ci. Beaucoup ont été contraints de changer leurs habitudes, de modifier leurs horaires de travail, d'annuler des engagements déjà prévus et peut-être même attendus depuis longtemps. L'exaspération est apparue sur le visage de beaucoup. Dans la périphérie ouest, des grévistes ont accroché une affiche s'excusant pour les désagréments causés aux conducteurs, disant qu'ils se battent pour le bien de tous.
Le bien futur de tous peut-il être si contradictoire avec mon bien présent ? Le sacrifice d'aujourd'hui vaut la peine pour avoir un meilleur avenir demain. Mais est-ce le cas ?

Personnellement, je trouve admirables la ténacité et la détermination de tant de personnes qui sont engagées dans cette grève. Les réponses du gouvernement ne semblent pas suffisantes pour répondre à ce malaise généralisé. Mais le retrait pur et simple du projet de loi ou son amélioration peut-il y réellement le satisfaire ? Il me semble malheureusement être le spectateur d’un dialogue de sourds dans lequel les deux parties sont incapables d'accueillir l'autre comme un bien et de l'écouter. Qu'est-ce qui peut faire renaître l’espérance et une société où la solidarité entre les gens existe vraiment ?

« Un rejeton sortira de la souche de Jessé, un surgeon poussera de ses racines. [...] Le loup habitera avec l'agneau, la panthère se couchera avec le chevreau. Le veau, le lionceau et la bête grasse iront ensemble, conduits par un petit garçon » (Isaïe 11, 1 et 6). Une lumière annoncée il y a plusieurs années brillera à nouveau dans la nuit de Noël. Un enfant. Les bergers, pauvres hommes, ont été les premiers à sentir leur cœur réchauffé par cette annonce. Depuis lors, l'espérance a resurgi dans le cœur de nombreux hommes et femmes. Un rejeton, très discret, mais dont les signes, nombreux, persistent encore aujourd'hui. Une origine si oubliée de la solidarité qui a changé le visage de notre Europe.

« Un homme cultivé, un européen de notre temps, peut-il encore croire, peut-il encore croire à la divinité de Jésus Christ, Fils de Dieu ? » Ce défi lancé par Dostoïevski est plus actuel pour moi que jamais. Cette annonce si lointaine (et si proche) peut-elle réveiller l'espérance en moi et me donner un sens pour me réveiller le matin ? Le souhait pour moi et pour tous est que ce Noël soit une véritable occasion de se laisser surprendre à nouveau par l'annonce que le Fils de Dieu s'est fait chair pour accompagner chacun de nous sur son chemin et pour raviver l'espérance. Joyeux Noël !


Martino, Paris