C'est Lui qui est fidèle et qui se souvient de Son alliance

Paris. Dans un climat social très tendu, un enseignant-chercheur doit participer à une assemblée dans l’université. La crainte que l’idéologie ne l’importe. Et le miracle d’un pardon expérimentable au-delà des désaccords

Vous avez appris qu'il a été dit : Tu aimeras ton prochain, et tu haïras ton ennemi. Mais moi, je vous dis : Aimez vos ennemis, bénissez ceux qui vous maudissent (Mt 5, 43-44)

Je suis enseignant-chercheur dans une université de la banlieue parisienne où l’extrême gauche et certains syndicats ont une voix très puissante. L’autre jour, nous avions une assemblée générale de notre département pour parler de la situation actuelle (réforme des retraites, grèves, blocages, etc.) et pouvoir écouter les préoccupations des étudiants. J'avais très peur d'y aller, car dans ces situations, l'idéologie (la mienne avant tout) prévaut souvent et tout se termine en discussions stériles. De plus, les jours précédents, j'avais eu un échange tendu avec l’un de mes collègues et nous ne nous étions pas encore reparlés depuis.

Dans le métro en allant à l’université, je lis la phrase de l’école de communauté qui dit : « “Le Christ est tout en tous” signifie que le comportement de Jésus de Nazareth – son attitude dans sa relation avec le Père, avec le mystère du Père, qui partait de sa connaissance du Père – doit avoir un impact sur la vie de chacun, doit être imité par tout homme, qui doit se l’approprier. » Et je me dis « cela doit avoir un impact sur la vie de chacun » ... quelle responsabilité (comme si je devais le faire moi) ... et qui en est capable ? Pas moi... Puis, je lis la phrase suivante : « Comme Jésus, ainsi devons-nous être devant le Père. ». Elle me foudroie : ce ne sont pas les autres que je dois « convaincre » ! J’arrête de lire et je commence à prier, avec une intensité que je n’avais pas vécue depuis longtemps. Je pense : après tout, même Jésus avant le sermon sur la Montagne était agité, s'inquiétait de la manière de dire les choses et priait (c'est du moins ce qui apparaît dans la série The Chosen que je regarde en ce moment et qui m’aide beaucoup à vivre le contenu des Évangiles). Déjà, là, je ne me sens plus seul. Je ne me sens pas, moi contre les autres. Je suis déjà plus serein.

Après avoir un peu hésité, je décide de m’arrêter dans une église avant d’arriver à l’université pour dire bonjour à Jésus et... j'arrive juste au moment de la consécration. Voilà, « Jésus, sois avec moi ». J’arrive à l'université et je vois tout de suite le collègue avec qui je m’étais disputé et je l’embrasse. Nous pensons à l’opposé, mais nous sommes amis : quelle libération de pardonner. Et puis, miracle : l'assemblée est un vrai dialogue, constructif. Surtout, je suis libre de dire ce que je pense (ce qui n'est pas très populaire car je « crois » à la personne et à sa responsabilité alors que beaucoup croient que l’individu n’existe pas et que c’est seulement la collectivité qui s’autodétermine), sans me croire supérieur aux autres, mais avec un élan pour découvrir ce qui nous met en mouvement, ce que l’on désire, ce qui nous fait nous réveiller le matin et venir à l’université. Même avec un collègue qui a dit tout le contraire de moi, à la fin, nous nous quittons en souriant. Nous ne sommes pas d'accord mais nous nous estimons. C'est formidable. Merci à Dieu pour ce miracle. Merci de m'avoir donné de tels collègues.

Dernière chose : sur le chemin du retour, à l'entrée du métro, je vois un grand arc-en-ciel. En gardant à l'esprit ce que Fabrice Hadjadj nous a dit à l’occasion de la rencontre pour le centenaire de la naissance de don Giussani (l’arc-en-ciel signe pour Dieu de Son alliance), je suis vraiment surpris et ému : c'est Lui qui est fidèle et qui se souvient de Son alliance.

Lettre signée, Paris