Le Pape invite les jeunes à sortir, à jouer en attaque.

Il veut que les jeunes soient libres et il leur montre la voie (en la montrant aussi à leurs parents)
Giuseppe Frangi

Le Pape François ne fait pas de manières avec les jeunes. Il ne les cajole pas, il ne fait pas de rabais. Il ne veut pas les conquérir en les plaignant. Il est aussi très direct, quand c’est nécessaire. C’était le cas en août, lors de sa rencontre avec les jeunes du Diocèse de Piacenza : « Quand un jeune me dit : « Père, les temps sont durs, on ne peut rien faire ! », je l’envoie chez le psychiatre… ». La boutade n’a pas été du goût de tout le monde et si l’on va sur l’internet on découvre beaucoup de réactions polémiques, presque la revendication d’un droit à la dépression. De ce point de vue, le Pape ferme toutes les issues. Il a décidé de ne pas accorder d’alibi. Être jeune est une opportunité, pas un handicap, quel que soit le contexte dans lequel on vit. « Des chrétiens pessimistes : c’est mauvais ! Vous les jeunes ne pouvez ni ne devez être sans espérance ; l’espérance fait partie de votre nature. Un jeune sans espérance n’est pas jeune, il a vieilli prématurément ! » a-t-il dit durant son voyage à Cagliari. Puis il a expliqué qu’un jeune sans espérance se retrouve livré aux « marchands de mort », qui sont là comme des vautours pour vendre des antidotes contre la tristesse. « S’il te plaît, ne vends pas ta jeunesse à ces marchands de mort ! Vous comprenez de quoi je parle ! ». C’est pour cela que le Pape insiste toujours sur le même point et invite les jeunes à être pleinement jeunes, dans leurs comportements également, à sortir à découvert, à ne pas rester cachés. Combien de fois, sur la Place Saint Pierre, leur a-t-il demandé de faire entendre leurs voix plus fort. Au Brésil, il les a même invités à « faire du vacarme, du désordre ». Aux universitaires romains, il a recommandé d’être « non pas spectateurs, mais protagonistes », de ne pas « regarder la vie du haut de leur balcon ». Et il a ajouté : « Mêlez-vous des situations qui vous défient, qui vous demandent de l’aide pour faire avancer la vie, le développement, la lutte pour la dignité de la personne, la lutte contre la pauvreté, la lutte pour les valeurs et tant de luttes que nous rencontrons chaque jour ».

« NE VOUS METTEZ PAS DANS LA QUEUE ». Les jeunes ne doivent pas étouffer l’aspiration à construire un monde meilleur, parce que cette aspiration fait partie intégrante de la jeunesse. À ce propos, les paroles prononcées sur la plage de Copacabana sont très belles : « Ton cœur, ton jeune cœur veut construire un monde meilleur… Garçons et filles, s’il vous plaît, ne vous mettez pas dans la « queue » de l’histoire. Soyez protagonistes. Jouez en attaque ! Shootez devant». Le Pape n’ignore pas qu’entre l’Eglise et les jeunes il y a quelque chose qui ne fonctionne pas. À Cagliari, devant les jeunes, avec le réalisme toujours efficace de son langage, il a rebaptisé la Confirmation « sacrement de l’adieu » : « Le Sacrement de la Confirmation, comment s’appelle-t-il ce Sacrement ? Confirmation… Non ! Le nom a changé : « Sacrement de l’adieu ». Ils reçoivent ce sacrement et quittent l’Eglise : c’est vrai oui ou non ? C’est une expérience de faillite ». Cela se produit parce qu’on oublie que le christianisme « n’est pas une science abstraite, mais une connaissance existentielle du Christ, un rapport personnel avec Dieu qui est amour. Il faudrait peut-être insister davantage sur la formation de la foi vécue comme une relation dans laquelle on fait l’expérience de la joie d’être aimé et de pouvoir aimer ». Et les jeunes sont ceux qui subissent le plus cette réduction du christianisme à une abstraction « correcte ». Mais alors à partir de quoi peuvent-ils « refaire surface » ? Lors de la veillée avec les jeunes aux JMJ de Rio il a fait cet exemple très efficace. « Nous pouvons apprendre quelque chose de ce qui est arrivé durant ces journées, lorsque nous avons dû, à cause du mauvais temps, annuler la réalisation de cette veillée sur le « Campus Fidei » à Guaratiba. Le Seigneur ne veut-il pas nous dire que le vrai champ de la foi, le vrai « Campus Fidei », n’est pas un lieu géographique, c’est nous-mêmes ? Oui ! C’est vrai ! Chacun de nous, chacun de vous, moi, tous ! ». Le Seigneur n’appelle pas « la masse », mais il appelle chacun : « Toi, toi et toi, chacun de nous. Ecoutez ce qu’Il vous dit dans votre cœur » (toujours sur la plage de Copacabana).

RIEN EN SUSPENS. Que suggère Jésus à un jeune d’aujourd’hui ? C’est ici que le Pape François s’engage sur des voies qui demandent un changement de vie visible et concret. C’est un appel clair, convaincant et de circonstance ; d’un vrai père en somme. C’est l’aspect le plus frappant de ce Pape, surtout par rapport à ce que nous avons su (ou plutôt que nous n’avons pas su) montrer à nos enfants. C’est l’indication de prendre conscience des limites qui nous constituent et, par conséquent, de suivre ceux qui, dans leur vie, portent en eux cette conscience : les pauvres. C’est une préférence que le Pape répète à tout moment mais qu’il suggère tout particulièrement comme horizon pour les jeunes. C’est une attention non seulement sociologique mais aussi existentielle : comme il l’a expliqué dans sa lettre pour les JMJ de Cracovie, en grec, l’adjectif « pauvre » n’a pas seulement une signification matérielle mais aussi l’acception de « mendiant ». L’homme est mendiant de Dieu et « la prière est la rencontre de la soif de Dieu avec notre soif ».
Mais le Pape ne laisse pas les choses en suspens (en cela il est vraiment un père pour nous, les parents), et à la fin il réussit à resserrer des perspectives concrètes. Dans la même lettre il termine par un très beau rappel à une liberté « dans la confrontation avec les choses » : libérés des modes, libérés de l’angoisse de posséder. Ce n’est pas une option qui va de soi ni un choix verbal ou « de valeurs ». Pour être libres face aux choses il faut avoir le courage du bonheur et de la sobriété.