Ces vignes qui ont fleuri dans le jardin de la Grâce

Deux pontifes dans les rangs des saints. Deux autres qui s’embrassent en public. Une journée historique avec un protagoniste : le Christ. Et le bonheur de celui qui Le suit parce qu’il est amoureux de Lui.
Alessandro Banfi

Ces jours-ci on a beaucoup parlé des quatre papes. La double canonisation, celle de Roncalli et de Wojtyla, grâce à deux papes qui concélèbrent, Bergoglio et Ratzinger. Un événement dans l’événement : l’étreinte publique des deux derniers au début de la messe de canonisation ; si bien que la foule des pèlerins, de composition variée, qui l’a vécue à travers les écrans géants, a été touchée et a eu une réaction émotionnelle comme dans un stade.
Quasiment un jeu de poker de la foi, avec quatre as au service de la divine Providence sur la table de l’histoire. Unité dans la diversité, diversité aussi de charismes et de caractères. Et cependant un seul grand message durant les vingt-quatre heures de la fameuse invasion de Rome : c’est le Seigneur qui est le protagoniste de cette extraordinaire événement d’humanité et de sainteté. De sainte humanité. Qui, pour différents motifs, a réuni ces heures-là, sur la place Saint-Pierre, quatre personnalités vers lesquelles le monde continue de regarder.
Pour deux d’entre eux, saint Jean XXIII et saint Jean-Paul II, il est désormais établi qu’« ils soient honorés avec dévotion dans toute l’Église ». Le pape François ne s’est pas attardé trop longtemps à souligner leurs vertus héroïques, ni la grandeur historique de deux personnages qui ont pourtant vécu des années cruciales marqués par des tournants décisifs. Roncalli qui rompt avec toutes les habitudes et décide d’aller visiter les détenus de la prison « Regina Caeli » ou qui arrête l’escalade de la guerre froide. Wojtyla qui ne se lasse pas de voyager et qui le premier imagine une Europe unie sans murs ou rideaux de fer. Fruits de l’intelligence de la foi, de la « parresia », la vertu de dire la vérité, comme l’a rappelé le même Bergoglio dans l’homélie.
Le pape actuel qui les a proclamés saints souhaite surtout souligner leur bonheur d’homme, de prêtre, d’évêque plutôt que celui d’être pontife romain. Leur témoignage vivant de la foi, leur rappel à l’Évangile et à Jésus Christ. C’est dans le « jardin de la Grâce », comme dirait Péguy, que fleurissent leurs vignes, leur exemple, leur histoire de disciples de Pierre, amoureux de Jésus Christ. Leur attachement au pardon, à la Miséricorde (la canonisation a eu lieu le jour de la divine Miséricorde), à ces « plaies du Christ » devenues centrales dans la réflexion du pape Bergoglio et qui sont image du péché et des limites en même temps qu’occasion de gloire.
Pour tant de pèlerins venus de partout dans le monde ce fut un inoubliable samedi-dimanche à Rome ; pour pouvoir suivre la célébration sur la place Saint-Pierre ou le long de la via della Concilliazione, nombreux sont ceux qui ont passé la nuit en plein air sous le ciel humide de la capitale. Une fête multiforme, la leur aussi, qui a donné lieu à une étreinte collégiale, vraiment catholique, sobre, simple et profonde, dans le style du pape François et dans l’esprit du temps.
Élever deux pontifes tant aimés à l’honneur des autels n’est pas une victoire hégémonique envers l’histoire, ni du triomphalisme ; au contraire, c’est l’expression de toute la richesse du témoignage, de la présence du Seigneur, de l’unique histoire qui a de l’importance, celle de l’Évangile qui a commencé avec les apôtres eux-mêmes, dont les quatre papes ont été et sont les successeurs.
Une fête sur la tombe de Pierre.