Le deuxième miracle de Jean XXIII ?

Le pape François n’a pas jugé utile de rechercher un second miracle pour canoniser Jean XIII. Et si ce miracle s’était produit à l’occasion de la cérémonie, avec la venue à Rome de Manuel Valls ?
David Victoroff

S’il est une réalité difficilement compréhensible pour les étrangers qui s’intéressent à notre pays, c’est bien notre conception de la laïcité. « La république ne reconnaît ni ne subventionne aucun culte » est-il écrit dans notre constitution. Même le général de Gaule, fondateur de la V° république et fervent catholique, s’abstenait de communier en public. Pourtant, les présidents successifs et leurs premiers ministres ont eu des pratiques ambigües, les représentants de la droite s’affichant plus volontiers avec le Pape. Ainsi Valéry Giscard d’Estaing, qui n’a pas hésité à légaliser l’avortement, allant à l’encontre du respect de la vie et de l’enseignement de l’Eglise, a rencontré tous les papes, de Jean XXIII à François. Et l’on se souvient de François Mitterrand, qui avait tenté vainement de museler l’école libre, écrivant à propos de ses futures obsèques, « une messe est possible » !
Mais la présence à Rome de Manuel Valls, qui, comme ministre de l’intérieur n’avait pas hésité à sous-estimer systématiquement le nombre des manifestants contre la loi Taubira sur le mariage homosexuel et parfois à les réprimer durement, a quelque chose de surréaliste, pour ne pas dire surnaturel. Son parti ne jugeait-il pas, en mai 2011, la présence de François Fillon à la béatification de Jean-Paul II comme « particulièrement choquante » ? Comment expliquer que, trois ans plus tard, sa présence à la canonisation du même Jean-Paul II, à quelques rangs de François Fillon, ne soit pas considérée comme « un manquement au principe de laïcité » ?
De fait, à l’extrême gauche, les voix n’ont pas manqué, à l’instar des amis de Jean-Luc Mélenchon pour dire que « la république n’avait rien à faire là ». Même à droite, des voix se sont élevées pour dénoncer une instrumentalisation de la religion. Sans compter les sifflets qui ont accueilli place Saint-Pierre, la brève apparition du Premier ministre sur les écrans.

Ces critiques venant de part et d’autre tendraient à rendre crédible la démarche de Manuel Valls. Déjà, le 22 septembre 2012, alors ministre de l’intérieur, il s’était rendu à Troyes pour la béatification du père Louis Buisson. « Quand on est le représentant du gouvernement, on se doit d’honorer les cultes qui font partie de notre histoire et de la société française » s’était-il alors justifié face à une gauche critique. Cette fois, il qualifie son geste de démarche d’apaisement.
Ne crions pourtant pas trop vite au miracle car des causes naturelles peuvent suffire à expliquer le phénomène. La défaite électorale historique que vient de subir le parti socialiste aux élections municipales stimule ce désir d’apaisement. De nombreux chrétiens, notamment dans l’Ouest, s’étaient laissés séduire par les idées de gauche et avaient voté Hollande. Ils l’ont semble-t-il abandonné. A lui seul, ce désamour peut justifier la main tendue de Manuel Valls. Il n’empêche que l’arrivée des socialistes au pouvoir et les lois sociétales votées ou en préparation avaient pu faire croire que le fait catholique ne comptait plus dans notre société. Sincère ou non, la démarche de Manuel Valls démontre le contraire. Cela ne peut qu’encourager les chrétiens à continuer à s’exprimer dans le débat politique. Il est peut-être là, le miracle.