Don Mauro-Giuseppe Lepori

Don Mauro-Giuseppe Lepori : « Les jeunes ont besoin d’une Église adulte »

L’Abbé général de l’Ordre cistercien, Don Mauro-Giuseppe Lepori, compte transmettre à l’assemblée synodale « le besoin d’accompagnement » des jeunes. Une demande que l’ancien Abbé d’Hauterive entend aux quatre coins du monde comme « un cri »
Pierre Pistoletti

Mauro-Giuseppe Lepori est né le 8 mars 1959 à Lugano. Il est entré en 1984 à l’Abbaye cistercienne d’Hauterive, dans le canton de Fribourg. Il est élu Abbé du monastère en 1994 puis Abbé général de l’Ordre cistercien en 2010 pour un mandat de 10 ans à Rome. Il préside pastoralement l’Ordre dans le monde entier. Son ministère l’appelle à visiter des congrégations et des monastères cisterciens aux quatre coins du monde – il ne séjourne à Rome que trois mois par année. Il assure également auprès de l’Ordre une charge d’enseignement à travers des écrits, des lettres et des rencontres.

Quelle est votre contribution à l’édifice synodal ?
Dans certaines régions du monde, les vocations sont nombreuses. Beaucoup de jeunes font partie de l’Ordre en Afrique ou en Amérique latine. Ces jeunes le disent eux-mêmes : ils souhaitent être davantage accompagnés. Pour répondre à ce besoin, il faut que l’Eglise soit adulte, qu’elle offre à ces jeunes la sagesse d’une personne qui a progressé sur son chemin de vie et dans sa relation au Christ. C’est essentiellement cela que je souhaite transmettre au synode, en rappelant que la Règle de saint Benoît situe l’idéal dans la maturité. Non pas dans la jeunesse. Ce qui va à l’encontre d’une tendance actuelle à idolâtrer l’adolescence.

L’Eglise échappe-t-elle à cette tendance ?
Pas totalement. Certains pensent aider les jeunes en se faisant jeunes avec eux au lieu de les accompagner vers l’âge adulte, vers le sens plénier de leur vie dans le Christ.

Le synode a débuté le 3 octobre dernier. Qu’est-ce qui vous frappe au sein de cette assemblée d’évêques ?
L’universalité. Je rencontre toutes les facettes de l’Eglise, géographiquement et culturellement. Je regrette en revanche le peu de femmes, en particulier de religieuses – seulement deux ou trois pour une dizaine de supérieurs généraux présents au synode, alors qu’au niveau mondial les supérieures générales sont trois fois plus nombreuses que leurs homologues masculins.
Je suis également frappé par la présence simple et quotidienne du pape François. Il l’est l’un des nôtres, attentif et accessible. Il nous demande « le courage de parler et l’humilité d’écouter ». Les interventions de quatre minutes se succèdent. On passe du coq à l’âne et je fais parfois l’expérience de mes propres limites. L’écoute est une discipline.

C’est aussi le premier mot de la Règle de saint Benoît.
Effectivement. L’Abbé doit écouter tout le monde avant de prendre une décision, y compris le plus jeune, indique la Règle. J’ai l’impression de vivre cela au milieu de l’Eglise durant ce synode. Chacun confie librement sa réflexion au pape, qui écoute et prend conseil de tous.

Qu’est-ce que l’Ordre cistercien peut apporter aux jeunes ?
Saint Benoît demande aux anciens d’aimer les jeunes et aux jeunes d’honorer les anciens. L’Ordre peut donc offrir aux jeunes un lieu de croissance intergénérationnel. Une famille où se noue des relations réelles à l’heure du virtuel. Un monde où se déploient tous les aspects de l’humain. Ainsi qu’un espace de relation avec Dieu. La vie monastique consiste essentiellement dans l’exercice de la vocation baptismale : vivre en relation avec le Christ et se laisser conformer à lui dans l’Esprit Saint.

Le document de travail du synode parle d’une « culture de l’indécision », propre à certaines régions du monde. Est-ce à dire que la dimension définitive de l’engagement monastique ne correspond plus vraiment aux jeunes d’aujourd’hui ?
On remarque aujourd’hui un élément d’indécision qui nécessite un temps de maturation plus long. C’est aussi positif : le choix de la vie monastique n’est pas automatique. Il importe de laisser à chacun la liberté de s’engager ou de repartir. La gratuité est un ingrédient indispensable. On ne peut plus fonctionner avec des schémas préétablis qui s’appliqueraient à tous – une année de noviciat, trois ans de profession temporaires puis la profession solennelle. Il faut s’adapter à chacun. C’est sans doute la volonté de Dieu pour aujourd’hui.


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