Portugal. Au cœur du monde
Inauguré à Palaçoulo, le nouveau monastère des moniales trappistes. Le témoignage de sœur Giusy Maffini : « Une communauté de pierres vivantes, mémoire de la paternité de Dieu »C'est en octobre 2020 qu'un groupe de dix moniales partit de Vitorchiano en direction du Portugal pour ouvrir un nouveau monastère à Palaçoulo. La fondation cistercienne, dédiée à Sainte Marie Mère de l'Eglise, a finalement été inaugurée le 23 octobre dernier, avec une célébration simple et solennelle, en présence des autorités locales, de nombreux sacerdotes et d'un grand nombre de fidèles. La messe a été célébrée par Monseigneur José Cordeiro, aujourd'hui archevêque du diocèse de Bragança-Miranda, qui avait demandé en 2019 la présence des bénédictines et trouvé le terrain pour la nouvelle trappe. Pour l'inauguration, la mère Rosaria Spreafico, abbesse de Vitorchiano est même venue en personne d'Italie.
Lors de son intervention, mère Rosaria a rappelé aux personnes présentes : « Vivre ici en présence de Dieu et dans la communion entre nous, même si en apparence séparées du monde alentour, nous met en réalité au cœur de celui-ci, comme signe ». Et elle ajoute : « En se rendant au monastère, sur la route qui y conduit depuis le village, on a l'impression de faire face à une forteresse construite sur un point haut de la colline. Oui, le monastère est une maison faite pour rester et sceller le pacte de fidélité que la communauté fondatrice désire vivre avec un lieu, avec une histoire, avec l'Eglise ». Elle dit aussi : « Nous sommes ici pour rester, nous voulons être un lieu de vie et de mémoire vive, un signe de la fidélité de Dieu avec les hommes, de l'alliance de paix qui s'offre à celui qui se rapproche de Lui. Mais tout cela ne serait rien, ou pure utopie, si notre volonté de bien ne trouvait pas son cœur battant dans Celui qui est le tout en toute chose ».
Mère Giusy Maffini est la guide de cette nouvelle communauté trappiste portugaise. Elle nous raconte ce qui s'est passé au cours de ces dernières années, parfois laborieuses. « Depuis notre départ de Vitorchiano jusqu'à aujourd'hui, il y a eu deux chantiers à Palaçoulo : celui de la construction physique du monastère et celui de la communauté, faite des pierres vivantes que nous sommes. Chacune d'entre nous est présente avec son propre visage, venant composer le visage de la communauté et en faisant une chose nouvelle en continuité avec la tradition reçue. Il nous arrive de nous rappeler " comment on faisait à Vitorchiano ", non pas pour reproduire aveuglément les mêmes choses et les mêmes gestes, mais pour retrouver le cœur du sens et l'incarner dans cette expérience ».
La vie, dit-elle, nous surprend souvent et nous met parfois face à des situations paradoxales. « Nous avons atterri au Portugal en plein Covid, avec certaines des sœurs contaminées. Cela nous a tout de suite contraint à une pénible quarantaine. Nous croyions arriver et être tout de suite en activité, mais le premier geste missionnaire qui nous a été demandé était d'offrir notre impuissance, de nous faire aider pour faire le test et bénéficier de soins ». Après la quarantaine, nous avons subi le défi du froid. « L'hiver 2020-2021 a été le plus froid jamais enregistré depuis que nous sommes arrivées : on n'entendait même pas un oiseau chanter. L'enceinte autour du monastère était un bloc de glace. Il était impossible pour qui que ce soit de venir nous voir. Pourtant, dans cet isolement, avec le silence qui l'accompagnait, la certitude de se trouver dans le lieu que le Seigneur avait choisi pour nous s'est renforcée, ainsi que l'expérience de joie en chantant chaque jour les laudes du Seigneur. Après ces premiers mois, les gens ont commencé à venir et les chambres que nous avions préparées pour l'accueil sont devenues peu à peu insuffisantes. Il y avait tant de personnes qui voulaient nous connaître, nous exprimer leur joie de nous avoir ici ».
Parmi les rencontres les plus significatives et émouvantes, nous raconte toujours mère Giusy, il y eut celle du père João Seabra, un des personnages historiques de Communion et Libération au Portugal. « Il était déjà très malade, en fauteuil, il respirait difficilement en raison d'un Parkinson à un stade avancé. Pourtant, à 4h du matin, il est venu aux Vigiles pour prier avec nous. Ainsi, il fait mémoire de la paternité de Dieu, de la force qui vit dans la faiblesse et … remercie ! ». La croissance de cette œuvre au cœur de l'Europe a aussi coïncidé avec l'engagement et l'amitié de nombreuses personnes qui se sont mises à notre disposition avec compétence et dévouement.
« Je pense aux architectes, qui, avec professionnalisme, ont conçu les plans du monastère avec nous, signe d'une foi partagée et opérante. Je pense à la bonté des locaux, habitués à supporter les duretés de la vie en solitaire, mais qui, face au besoin, se sont rendus concrètement disponibles ». Cela s'est particulièrement observé lors de l'incendie, en janvier dernier, où le toit de la maison d'accueil a été emporté par les flammes. « De nombreuses personnes sont venues nous aider à nettoyer, nous ont apporté de la nourriture parce que nous ne pouvions plus rien cuisiner de chaud, et ont manifesté de tant de manières leur proximité ».
Ainsi, la petite communauté a grandi. Aujourd'hui, elle compte 13 sœurs, dont trois portugaises. « L'une d'entre elles, Ana Cecilia, est déjà novice depuis un an, les deux autres sont proches de la prononciation des vœux. C'est touchant de voir leur chemin. Et c'est aussi émouvant de voir des groupes de familles et de jeunes qui viennent voir la réalité du monastère ou veulent nous aider à travailler : cela nous confirme l'existence de jeunes qui gardent le désir de répondre au Seigneur, de le connaître, qui perçoivent la valeur et la beauté de la vie vécue comme réponse à son appel ».
Une présence discrète, celles des moniales, mais qui ne cesse d'intercepter et d'attirer des hommes et des femmes en quête de sens sur la vie et de rapport avec le mystère. Un fait étonnant, quand on pense à une vie de cloître. Les journées des sœurs sont en effet rythmées par la Liturgie et l'Eucharistie, et par le travail manuel qui fait vivre la communauté.
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« Nous vivons notre mission en premier lieu dans la prière et dans le vœu de conversion de la vie (Conversatio morum, qui englobe les vœux de chasteté et de pauvreté, ndt), c'est-à-dire en restant ouvertes et disponibles à nous laisser atteindre par une parole de vérité, à changer notre mentalité en nous mettant au service d'un Autre et, par conséquent, au service de tous. L'inauguration du monastère a fait émerger une fois de plus le bien, l'amitié et l'estime dont nous sommes entourées. Être missionnaires pour nous, c'est avant tout " dire " une Présence, " dire " Jésus, sa passion pour l'homme d'aujourd'hui et de toujours, Sa miséricorde pour nous et pour le monde. Et montrer qu'une vie en communion avec Lui transfigure la réalité et lui donne sa vraie beauté ».