Federico Barocci, Crèche, 1598. Pinacothèque Ambrosianne, Milan

La leçon du pape François sur le sens de Noël

La lettre du Président de la Fraternité di Communion et Libération sur le sens de Noël publiée par "la Repubblica"
Julián Carrón

Cher directeur,
Face à l’urgence quotidienne de l’existence que nous ressentons tous et qui semble réduire à néant toute espérance, la fête de Noël a-t-elle encore quelque chose à dire ? Est-ce seulement un souvenir qui rappelle de bons sentiments ou bien la nouvelle d’un fait capable de changer la vie réelle ?

« La raison de notre espérance est la suivante : Dieu est avec nous. Mais il y a quelque chose de plus surprenant encore. La présence de Dieu au milieu de l’humanité ne s’est pas réalisée dans un monde idéal, idyllique, mais dans ce monde réel. Il a choisi d’habiter notre histoire comme elle est, avec tout le poids de ses faiblesses et de ses drames, pour nous relever de la poussière de nos misères, de nos difficultés » (François, audience générale du 18 décembre 2013). Pour me préparer au grand événement de Noël, ces derniers jours, je me suis souvent répété les paroles du Saint-Père.

Le Mystère aime nous mettre sans cesse au défi « dans ce monde réel », sans hésiter dans les choses qu’Il fait ! Pour cette raison, Dieu choisit les circonstances qui manifestent encore plus à nos yeux qui Il est et la nouveauté extraordinaire qu’Il peut engendrer dans le monde. Ce qui devrait réjouir chacun de nous, car cela signifie qu’il n’y a aucune situation, aucun moment de la vie ou aucune histoire qui puisse empêcher Dieu d’engendrer quelque chose de nouveau. Et comment nous défie-t-il ?
À l’approche de Noël, l’Église relit les grandes aventures du peuple d’Israël et nous montre comment Dieu intervient dans l’histoire. Par exemple, elle met sous nos yeux l’histoire de deux femmes stériles, qui ne peuvent avoir d’enfants : une femme de Soréa et Élisabeth (qui deviendront les mères de Samson, défenseur du peuple juif, et de Jean Baptiste, précurseur du Christ, cf. Juges 13, 2-7. 24-25 et Luc 1,5-25). Ce sont deux femmes qui ne peuvent « solutionner » d’aucune manière leur problème : aucun effort ne peut les rendre mères. Cela est impossible, c’est quelque chose d’impossible aux hommes. De cette manière, le Seigneur veut nous faire comprendre que pour Lui tout est possible et que, par conséquent, il est possible de ne pas désespérer, personne ne peut se considérer abandonné, oublié ou condamné à sa condition au point de trouver en elle la raison de ne plus espérer. Il n’y a rien d’impossible à Quelqu’un qui fait de pareilles choses : rendre mères deux femmes stériles. Leur maternité imprévisible représente le défi le plus grand pour la raison et la liberté de chacun. Il n’y a aucune situation, aucune relation et coexistence humaine qui ne puissent pas changer. Et si quelqu’un s’est résigné en pensant à sa propre histoire, le Seigneur met au défi aujourd’hui à nouveau son manque d’espérance.

« Ta prière a été exaucée, dit l’ange à Zacharie, ta femme Élisabeth te donnera un fils et tu l’appelleras Jean». L’Évangile définit cela « une heureuse nouvelle », parce que nous ne sommes ni condamnés au scepticisme ni anéantis par l’échec de toutes nos tentatives. Et il n’y a pas que la promesse, il y a aussi sa réalisation, parce que ce fils arrivera vraiment ! Ces faits annoncent à ceux qui gardent ne serait-ce qu’un brin de tendresse envers eux-mêmes qu’il est possible de changer parce qu’à Dieu tout est possible ; il Lui suffit de trouver en nous la disponibilité du cœur.

Si nous laissons entrer cette puissance de Dieu, notre vie se remplira de joie comme celle de Zacharie : « Tu seras dans la joie et l’allégresse ». Cette joie n’est pas seulement pour nous, mais elle nous est donnée pour les autres aussi : « Beaucoup se réjouiront de sa naissance ». Et cette joie démontre qui est Dieu, qui est à l’œuvre parmi nous. Jean « sera comblé de l’Esprit Saint » et il commencera à changer ce qu’il touche.

De cette manière, la liturgie de l’Église nous prépare à regarder une autre femme, cette fois vierge, appelée Marie. Ce qui lui est arrivé n’est pas moins mystérieux que pour les deux femmes stériles : l’événement de l’Incarnation par l’action de l’Esprit Saint, à laquelle Marie a simplement consenti en disant oui. À Noël, le Seigneur nous apporte cette bonne nouvelle. L’accueillir dépend de chacun de nous, de notre simplicité et disponibilité à nous laisser surprendre par Lui, par son initiative qui nous rejoint sans cesse, ici et maintenant, « dans ce monde réel ».

Si nous le demandons et si nous nous rendons disponibles à ce que le Seigneur est en train de faire au milieu de nous à Noël, beaucoup autour de nous se réjouiront de « notre » renaissance. Seule cette nouveauté pourra convaincre tout homme de la crédibilité du message chrétien qui est arrivé jusqu’à lui. Il suffit de penser combien d’hommes de toutes cultures se réjouissent aujourd’hui au point de se sentir mis au défi comme jamais par la présence d’un homme comme le pape François, en qui le Mystère a trouvé cette disponibilité du cœur.