Veilleurs debout à Bruxelles

Interview à Anne-Chantal André-Dumont, membre active du mouvement Jeunes pour la vie à Bruxelles
Orietta Tunesi

Etudiante en Lettres à la Katholieke Universiteit de Leuven (Belgique), Anne-Chantal André-Dumont a été parmi les initiateurs de la Marche pour la vie de Bruxelles. Très active dans l’Association « Jeunes pour la Vie – Jongeren voor het Leven » elle a été à l'origine de l’initiative « Veilleurs débout », devant le Sénat, à l’occasion de la discussion et de l'approbation de la loi sur l’euthanasie des mineurs.
Jeunes pour la Vie (JPV) est une association à but non lucratif dont l'objet social est la promotion et la défense de la vie humaine depuis sa conception jusqu'à la mort naturelle, ainsi que des valeurs morales et familiales telles qu'elles sont définies notamment par l'enseignement du Magistère de l’Eglise. Jeunes pour la Vie existe depuis 1980 en tant qu'association de fait et depuis 1986 en tant qu'association à but non lucratif.

1. Le mouvement « Jeunes pour la vie », déjà très actif en Belgique depuis quelques années dans la défense du droit à la vie, a repris le flambeau des « Veilleurs debout » français, face à l’acheminement vers l’approbation en Belgique de la loi sur l’extension de l’euthanasie aux mineurs. Pratiquement tous les partis y ont contribué et il n’existe aucune réelle opposition. Pourquoi alors votre présence devant le Sénat, s’élargissant à d’autres villes belges et devant d’autres bâtiments institutionnels (comme le Palais de Justice et la Bourse) ?
Mais justement parce que l'opposition parmi les sénateurs est très faible ! On n'a pas demandé aux citoyens leur avis. On dit parfois qu'on a pu s'exprimer lors des précédentes élections mais ce n'était alors dans aucun programme ! De plus, il existe aujourd'hui une vraie pression venant des médias pour faire passer l'euthanasie comme quelque chose de positif et d'humain. Avec ce genre de message la conscience de toute la population est endormie et les citoyens se laissent faire. Par ce fait même, ils sont emprisonnés dans une pensée unique sans s'en rendre compte. Aujourd’hui, nous voulons affirmer haut et fort que nous refusons cette déshumanisation de la société. L'euthanasie est un poison pour notre société et nous n'en voulons pas ! Et tant pis si cela dérange !
Comme les médias refusent de nous laisser parler, il faut agir. Nous avons donc repris le mouvement de protestation pacifique lancée par le turc Erdem Gunduz, qui a ensuite été repris par énormément de monde, dont les Veilleurs français comme vous dites. Comme partout, c'est un mouvement qui déplaît parce que tout en étant très pacifique, il témoigne d'une grande force et dérange donc.

2. Votre initiative a fait tache d’huile dans d’autres villes et auprès d’autres mouvements. Comment ont réagi les médias belges ?
Les médias ont peu retransmis cette initiative. Seule la RTBF est venue nous interviewer. Ensuite, quand onze d'entre nous se sont fait arrêter, beaucoup de sites internet ont repris l'info mais très brièvement. On sent clairement la volonté de taire une opposition.

3. Au niveau des institutions européennes, des thèmes étiques font également l’objet de propositions de directives à l’égard des pays membres. Comptez-vous chercher des liens avec les mouvements d’autres pays où, d’ailleurs, quelques initiatives de solidarité ont déjà vu le jour, comme celle des Veilleurs parisiens qui se sont rendu devant l’ambassade de Belgique ?
Bien sûr, nous essayons de travailler de façon solidaire entre tous les pays. Le problème est qu'il s'agit très souvent de discussions nationales : l'action reste donc tout d'abord nationale. Prenons donc l'exemple des actions concernant l'euthanasie. En France, ils commencent à en parler mais sont pour le moment encore fort axés sur l'union homosexuelle. Chez nous, c'est un sujet qui est passé il y a dix ans déjà ! Si la Marche Pour la Vie fut pour nous une grande source d'inspiration, nous ne pouvons pas la reprendre telle quelle. Les modes d'actions français ne correspondent pas au tempérament des belges. Donc il y a certainement un mouvement international : nous avons tous des problèmes similaires et donc nous pouvons nous soutenir mutuellement, nous donner des pistes pour avancer, mais tout en sachant les traduire dans notre situation propre. Ce n'est pas parce que cela marche bien dans un pays que cela aura les mêmes effets dans d'autres !

4. « Jeunes pour la vie » est clairement un mouvement catholique proposant également des moments de prière et méditation. Comment a réagi l’Eglise belge à votre « provocation » ?
Le mouvement des « Jeunes Pour la Vie » n'est pas catholique en tant que tel, mais étant donné que la plupart des membres le sont, il est normal qu'il y ait des initiatives catholiques.

5. En Belgique, les chefs des principales religions ont publié un communiqué marquant leur opposition à l’extension de cette loi aux mineurs et exprimant leur inquiétude face à la banalisation de la fin de vie. Quel est votre jugement sur cette prise de position et comment l’avez-vous vécue à l’intérieur de votre mouvement ?
C'est évidemment une belle chose de voir tout ce monde se mobiliser. Et apparemment, cela a eu son effet puisque cela a fait changer d'avis au moins un député - A. de Decker (même si l’on peut se demander si cela n’est pas essentiellement dû au fait qu'il s’est rendu compte qu’il se mettrait pas mal de monde à dos, surtout avant les élections). Réflexion donc peut-être opportuniste mais qui a au moins le mérite de montrer son désaccord...