Le pèlerin et le financier

Après la canonisation de Jean XXIII et de Jean-Paul II, l’église et la religion font de nouveau irruption dans l’actualité politique française, cette fois, à l’occasion de la conversion de Jérôme Kerviel.
David Victoroff

On sait que l’ex trader est allé à pied à Rome où il a participé à une audience du pape François, a fait moult déclarations sur son retour à la foi pour finir, après une messe et une bonne pizza à Vintimille, par se livrer aux autorités françaises à Menton. Rappelons qu’il a été condamné à trois ans de prison ferme pour avoir trompé son employeur, la Société Générale, à qui il a fait perdre près de 5milliards d’euros, poussant cet établissement deux fois plus gros que Lehman Brothers au bord de la faillite.
Qu’en est-il de la culpabilité du financier au regard des lois humaines ? La justice, difficilement soupçonnable de complaisance à l’égard des banques, a tranché contre lui. Cela en dépit de la mobilisation en sa faveur des meilleurs avocats français et du soutien d’une bonne partie de l’opinion publique. Qu’en est-il de la sincérité du pèlerin ? Seul Dieu peut en juger, malgré, là encore, l’appui de personnalités ecclésiastiques et l’orchestration de sa démarche par des experts en communication.
S’il ne nous appartient pas de trancher sur ces questions, il est tout de même permis de s’étonner que le seul fait pour Kerviel de se ranger sous la bannière chrétienne lui ait fait perdre quelques soutiens à gauche, dans le camp des défenseurs de la laïcité. Ces socialistes, dont le chef de file François Hollande a proclamé n’avoir que « la finance » pour ennemi, sont aujourd’hui impitoyables avec celui, qui hier encore était présenté par leur presse comme une victime du système capitaliste. Le ministre du budget, Michel Sapin, l’a qualifié d’escroc. Il ne se trouve guère que Mélenchon et Marine Le Pen pour défendre le nouveau converti. Même le parti communiste l’a lâché.
Pour le reste, rappelons-nous tout de même que les plus grands pêcheurs peuvent trouver au cœur de leur faute le chemin vers la sainteté. Et prions pour que le chemin vers Rome du pèlerin Kerviel ait vraiment été son chemin de Damas.