Le pèlerinage est un moment privilégié

A l'occasion du pèlerinage à Czestochowa des lycéens et universitaires, le père Julian Carròn nous rappelle le sens de cette marche.
Julián Carrón

Mes chers amis, voici le drame de l’homme : désirer quelque chose qu’il ne peut se donner par lui-même, parce que notre besoin est incommensurable à tout ce que nous pouvons faire ou générer avec nos forces. Quelque soit notre besoin, nous ne le décidons pas ; mais nous le retrouvons en nous comme l’expérience d’une « disproportion structurelle » – dit don Giussani – qui nous fait désirer l’infini, la totalité. Nous pouvons avoir plus ou moins conscience qu’il s’agit de la question, mais il est impossible que ce désir de totalité ne soit pas présent en tout ce que nous faisons. Ainsi nous disons comme Cesare Pavese que « ce qu’un homme cherche dans les plaisirs est un infini, et personne ne renoncerait jamais à l’espérance d’atteindre cet infini » (Le métier de vivre).
Avec tout ce que nous générons et faisons, si nous ne sommes pas capables d’y répondre, la seule possibilité est que la réponse vienne de dehors. Sans s’ouvrir à quelque chose d’autre, l’homme ne peut s’accomplir. Mais comment peut-on s’ouvrir, si fréquemment on pense se perdre en s’ouvrant à un autre ? C’est uniquement en expérimentant un attrait tel (pensons à l’amour) qu’il arrive à ouvrir notre propre « petit château-fort » ; c’est seulement si l’attrait d’une présence est si puissant qu’il parvienne à vaincre la tentation de s’enfermer dans son cercle, l’homme pourra s’ouvrir. Pour cette raison, le Mystère est entré dans l’histoire en s’imposant avec un attrait tel, qu’il rend possible à l’homme un rapport avec une présence, qui l’ouvre – disons -, qui le désarme de ses barricades, de sa position défensive, pour s ‘ouvrir à ce qui l’accomplit.
Nous allons à Czestochowa en demandant que cette Présence soit tellement réelle dans notre vie qu’elle nous permette de nous ouvrir à son attrait. Parce qu’il est inévitable que chacun, s’il ne trouve pas cet Autre, cherchera à accomplir sa vie avec ses actions, dès lors que de toute manière le désir persiste, tel un géant « dans un champ solitaire » (G. Leopardi, La pensée dominante). Toute la prétention de Jésus (non dans le sens qu’il veuille nous imposer quelque chose, mais qu’il porte une promesse) est la suivante : l’homme peut s’accomplir, seulement s’il laisse entrer dans sa propre vie Sa présence. Mais qui y est disponible ? Comme nous pouvons le voir dans l’Evangile, face à une telle prétention, beaucoup de résistances ont surgi, au point que presque tous l’ont refusée. Il faut un amour pour Le reconnaitre, c’est un problème d’affection. Le problème de la vie n’est pas la réussite, mais un amour ; il est crucial de bien le comprendre à l’intérieur de sa propre expérience.
Le pèlerinage est un moment privilégié, parce que chacun peut se rendre compte plus facilement de la nature de son besoin, pour la dynamique même du geste, pour la fatigue, pour l’effort, pour les difficultés du chemin. Chacun est aidé à prendre conscience de soi, et donc à demander quelque chose d‘Autre.
« La vie est mienne, irréductiblement mienne » (« Mouvement, ‘‘règle’’ de liberté » 1978) disait don Giussani, et rien n’est aussi sérieux que la vie, parce qu’il y a en jeu le bonheur, c’est-à-dire la raison de vivre. Ce qui est le plus urgent, c’est d’aller à Czestochowa pour demander cette conscience, qui nous a été donnée dès le premier moment où nous avons eu une expérience de vie sérieuse, et où nous avons découvert en nous un désir d’être heureux ; pour demander que ce désir ne vienne pas à manquer.

Je vous demande de marcher vers la Vierge de Czestochowa avec cette intention, en plus des vôtres : que le mouvement de Communion et Libération, 60 ans après son début, reste fidèle au charisme qu’il a reçu, parce que nous avons vu de nos propres yeux la fécondité du charisme. Nous l’avons vu incarné en don Giussani, qui nous a tous fasciné.
Nous pourrons contribuer à l’appel du Pape François – porter le Christ aux périphéries de l’existence, dans les lieux où se déroule la vie de tous – seulement si nous sommes d’abord témoins du charisme, maintenant, d’un christianisme vécu avec cet attrait.