Attentats à Paris

Face aux événements de ces derniers jours, ci joins quelques témoignages pour nous aider à comprendre que la seule possibilité pour regarder « l’autre personne comme un bien » commence par l’approfondissement du chemin de vérité que nous avons rencontré.

Bonsoir Silvio,

Tout d'abord, c'est le sentiment d'horreur qui m'a envahi en réalisant combien cette tuerie était odieuse et aussi contre notre liberté de penser et de s'exprimer.

Ensuite, j'ai pensé que mon expérience de foi était d'abord une expérience de la paix et d'amour du prochain et tout de suite j'ai prié pour les victimes et aussi pour les bourreaux. C'est impressionnant d'ailleurs que la parole de la messe de ce jour là ait été :"celui qui a de la haine contre son frère et dit qu'il aime Dieu est un menteur car Dieu est amour"

Le jeudi matin, je faisais le catéchisme aux enfants de CE2 et, bien sûr, nous avons évoqué l'événement, surtout pour montrer que notre responsabilité était de demander au Père d'être des artisans de paix dans nos relations de tous les jours.

J'avoue aussi que j'ai peur face à une telle violence. Mais ma raison me dit que c'est la vie qui est la plus forte et que la manière la plus juste de continuer ma journée, c'est d'affirmer la vie et la précieuse valeur de la vie.

Concrètement, j'ai décidé de vivre une journée de jeûne aujourd'hui aussi car Marie dans ses apparitions à Medjugorge nous dit qu'avec la prière et le jeûne nous pouvons arrêter les guerres. Et cette agression nous met dans une ambiance de guerre. Je désire que notre pays puisse vivre dans l'unité et la paix.

En fait, à chaque personne que j'ai rencontrée aujourd'hui et qui me partageait son opinion, j'ai redit que c'était d'abord mon regard et mon cœur qui devaient changer. Que j'appartienne chaque jour davantage à ce Dieu qui m'aime et a donné sa vie pour moi.

Par Sophie, Viroflay


En tant qu’enseignante, je me dis que la communauté éducative, que les adultes, ont un devoir d’information, d’éducation, d’accompagnement en ce moment.
Oui, mais comment faire ? Quoi faire ?

J’ai vu hier 3 adolescents, de 11 et 14 ans, regarder en boucle sur youtube les vidéos de l’attentat (que je refusais de voir après avoir lu des détails de cet évènement). Je les ai vus paniquer, avoir peur, se sentir en insécurité, faire des amalgames en mélangeant ethnies, religions, origines….Même constat ce matin au travail, dans le métro…

J’ai passé ma journée, à Lui demander comment agir pour aider mes élèves ou les jeunes à comprendre les choses. J’ai cherché comment agir (pour une fois que je me sens le courage d’agir, de « militer », prendre position) pour combattre la peur, l’ignorance, les amalgames, pour défendre et préserver la liberté publique, le droit d’expression, pour contribuer à l’éducation des citoyens de demain pour qu’ils continuent à respecter autrui,pour continuer à ce que chacun puisse vivre sa foi en paix, puisse donner du sens aux fondements et valeurs de la République , mais, bien plus que ceci, pour donner un sens et une place au vivre ensemble où chacun puisse exprimer ses convictions sans peur, dans le respect, parce qu’il s’agit d’un droit, parce que nous vivons dans un pays qui a la laïcité, la liberté, la fraternité pour valeurs.

La laïcité n’est pas une question de tolérance de l’autre parce qu’il est un être humain différent, n’est pas une cohabitation segmentée de religions, de dogmes, d’idéologies, de systèmes politiques. Elle nécessite une interrogation, une curiosité, une compréhension, une envie de découvrir, de rencontrer, d’accueillir l’autre et de s’enrichir grâce à nos différences, de vivre avec l’autre, sans avoir peur, sans avoir à justifier son appartenance à telle ou telle religion, origine sociale. Facile à dire, mais à tenir ... ?

La liberté n’est pas le fait de ne faire que ce que l’on veut quand on veut, d’exercer son libre arbitre, d’être autonome dans ses décisions. Elle existe parce qu’elle nous renvoie aussi à l’autre, nous permet de prendre en compte Autrui, donc de vivre en relation et de s'exprimer.

Quant à la fraternité nous en faisons l’expérience entre nous, autour de nous, dans nos vies… mais je souffre parfois de voir qu’elle semble enfouie au fond de certains hommes, ou annihilée. Je préfère penser qu’elle survit en chacun, mais alors comment raviver les braises de ce sentiment pour qu’il renaisse à une échelle plus grande sans avoir besoin de massacres ou de catastrophes naturelles ?

Combien j’ai été bousculée dans ce qui me définit aujourd’hui individuellement, humainement, socialement, artistiquement, professionnellement à travers le cheminement que j’ai emprunté dans ma vie ces dernières années.

Combien j’ai été bousculée dans ma quête pour rencontrer et accueillir Dieu, dans mon affirmation à me sentir et me définir comme catholique croyante et pratiquante en vous rencontrant et en approfondissant ma réflexion sur ce chemin à travers les assemblées et le travail sur les textes pour l’école de communauté.

J’ai besoin aujourd’hui d’être « bousculée », de réfléchir et d’interroger, de comprendre ce qui se passe en ce moment avec cet attentat, de réfléchir à la question de l'identité nationale (d’appartenance à un peuple, une nation), de ce que veut dire être citoyen car je vis cette expérience depuis hier dans la douleur.

Je m’interroge sur le sentiment que je ressens à la suite de cet évènement que je partage avec des collègues avec qui nous avons beaucoup échangé aujourd’hui. Nous nous sentons blessés dans notre intégrité (pourtant nous n’avons pas été visés individuellement), nous nous sentons blessés comme si nous étions un organe un peu meurtri de la France, concernés d’une façon étrange. Pourtant heureux de voir que les hommes se rassemblent, sont solidaires, laissent de côté leurs intérêts personnels ou peurs personnelles, s’unissent pour montrer leur indignation et pour montrer leur humanité mise à mal ces temps derniers, heureux de voir qu’il est possible au-delà des religions, croyances, origines, de défendre des droits communs, de se rassembler, de voir naître des élans de fraternité.

Par Sandra, Paris


Deux personnes de mon entourage professionnel ont perdu l'un son père et l'autre sa meilleure amie d'enfance lors du carnage de mercredi au siège de Charlie Hebdo. Ce n'est plus un débat d'idées autour de la liberté, mais un fait très violent qui vient faire effraction dans la vie quotidienne.

J'aimerais être aidée à comprendre ce que veut dire actuellement défendre la liberté. Cette question semble s'être réveillée à travers ce fait tragique et extrême. Nous vivons dans un pays qui crie haut et fort que nous sommes libres de dire, de penser, de vivre toute opinion qui est la nôtre.

Mais alors, pourquoi dans les locaux de mon travail a-t-il été décidé de ne mettre aucune décoration représentant Noël ? Pourquoi avoir refusé que dans la salle d'attente, où il y a toute l'année de la musique classique, l'on mette des chants de Noël avant les fêtes ?

Comment témoigner de ce désir de défendre effectivement toute liberté d'expression en restant fidèle à ce que j'ai rencontré, à la seule vraie liberté qu'est le Christ, mais qu'il m'est interdit d'exprimer ? Est-ce que cette liberté s'arrête du moment que la religion en est le centre ? Et pour provoquer, j'oserais demander : devons-nous nous battre et prendre des risques comme le personnel de Charlie Hebdo, au point de risquer sa vie, pour pouvoir témoigner et défendre notre liberté d'expression ?

Par Alessandra, Paris


Salut Silvio,

Avant tout, face à la proposition de la manifestation de dimanche, ou bien des chaînes d’amitié qui me sont parvenues dans plusieurs messages, je suis absolument contre.

Avec cette manifestation, on propage en manipulant précisément les valeurs qui ont conduit la France et l’Europe à être un désert humain. On va contre la famille, entité dangereuse, on va contre le concept même de religion (c’est-à-dire affronter les questions ultimes de l’homme), et puis face à cette « liberté » vide et atroce que l’on propose, on voit les faits récents et nombreux.

J’irais manifester seulement en proposant et en défendant quelque chose que je reconnais vrai pour moi. Ce n’est pas un problème religieux, parce que si l’on avait une véritable recherche par rapport à nos propres questions existentielles, ces choses-là n’arriveraient pas.

Mais comment grandit-on au milieu d’un désert humain ?

J’ai vécu à Melun, en plus d’y avoir travaillé, et le mot « désert » est celui qui lui convient le plus. Brûler des poubelles pour créer l’événement, faire partie du groupe des dealers qui se saluent avec le signe de l’Islam pour ne pas être moins que rien. J’ai dû faire enlever les radiateurs des halls pour éviter qu’il y ait des regroupements permanents (de jour comme de nuit) où le jeu qui remplit le vide et l’ennui est de faire peur au plus faible, de tout casser y compris chez soi (ils font de leur immeuble une porcherie cassée et pleine de graffitis et de saletés). Ils restent là parce qu’ils ne savent pas où aller.

J’ai déposé plusieurs plaintes, et pratiquement tous ces gamins sont connus de la police, pour des bêtises ou des choses plus graves, ils entrent et ressortent du commissariat. Le seul rapport avec une autorité est celle avec le commissariat, ensuite cela devient un jeu de rôle où c’est à qui sera le plus malin. Etc.

Ils appartiennent à l’islam, mais seulement à un islam formel, pas à une religion, sans aucun lien avec les questions ultimes. Dans ce désert humain, la moindre trace ou apparence de solidité d’une quelconque idéologie (parce que ce dont on parle n’est pas une religion) les capturent littéralement tant ils sont assoiffés et tant leur besoin est profond. Cela semble être un abri face à l’humain en ruine.

Une fois dans un sous-sol, sur un graffiti au mur, j’ai lu une phrase pleine de fautes de grammaire qui m’est allée droit au cœur, j’en avais les larmes aux yeux : « Je ne veux pas le Paradis une fois mort mais ici sur la terre ». Quel cri, je me suis dit tout de suite « Jésus, mais combien ils te désirent ! ». C’est le même cri que celui de mon cœur.

Ce que nous nous sommes dit lors de la dernière assemblée de l’année dernière sur la préférence m’a beaucoup frappée. La première préférence sur moi-même, c’est l’émerveillement d’être créée, de me lever le matin et d’être là, d’avoir ce cri de besoin dans mon cœur, c’est seulement à partir de cette gratitude que je peux regarder l’autre comme un bien, mon mari et mes enfants, les voisins, de jeunes fêtards qui boivent tout la nuit et qui s’endorment ivres à 7 h du matin (ils ne sont pas différents de ces jeunes des halls des immeubles).

L’an dernier, je suis allée à la Comète, et je suis rentrée chez moi changée. C’est la seconde fois dans ma vie que j’ai vu une communion présente et vécue. La Communion avec le Christ présent, la seule qui puisse me rendre libre, comme le nom même de notre mouvement l’indique, mais en voyant cela j’ai compris comme jamais auparavant ce que cela veut dire.
Précisément grâce à l’école de communauté, cela m’a sauté aux yeux que la première chose à vivre c’est la préférence sur moi, c’est mon rapport personnel avec le Christ. Qui n’est pas intimiste, mais présent, qui se fait connaître par le chemin qu’il a mis devant moi, l’Église, dans chaque personne, parce qu’Il a donné sa vie et est présent dans l’autre indépendamment de la conscience que peut avoir la personne elle-même, ou de ses idées. Le travail de l’école de communauté me ramène toujours à cela. C’est seulement dans le Christ que l’autre n’est plus un étranger mais devient un bien pour moi. Chacun. Parce que sans le Christ je ne peux pas vivre. Le cri de mon cœur crie en permanence.

Quelle violence y a-t-il aussi en moi, en nous, même si elle ne va pas jusqu’à commettre physiquement des carnages. Découvrir que l’autre est un bien pour moi est ce dont moi j’ai besoin, c’est un besoin.

Pour moi, c’est la seule espérance qui peut nous faire sortir de cette troisième guerre mondiale qui se joue de manière fractionnée, et qui est sur le seuil de notre porte, et dont nous ne sommes qu’au début. N’importe qui pourrait être un terroriste.
Je voudrais crier que ce qui peut nous sauver, c’est le contraire, pas le vide de cette soi-disant liberté, l’homme seul dans le désert, mais ce cri qui, heureusement, hurle toujours, mon moi.

Tout le monde semble être contre la religion, la famille, l’idée même de don. Le point crucial est en moi, encore une fois, c’est le moi, notre moi.

Par Elena, Paris