CL Paris, après les attentats

Silvio Guerra avait appelé CL Paris à se réunir jeudi dernier pour dialoguer sur les événements et méditer sur la question du père Carrón : « La vie de chacun est suspendue à un fil. Pourquoi vivre vaut-il la peine ? » .
David Victoroff

Ils étaient nombreux, jeunes et moins jeunes, à avoir répondu à cet appel à partager sur la nuit de terreur qui a endeuillé Paris.
« Il faut regarder notre vie après ce que nous avons vécu », a dit Silvio pour introduire le débat. Il dit avoir ressenti ces événements comme « une inondation intérieure qui emporte tout ». Comment, après cela, construire un monde à la hauteur de notre humanité, avec la certitude de l’espérance qui est en nous ? Une autre manière de reposer la question : pourquoi vivre vaut-il la peine ?
Elisa a appris les attentats, alors que son mari regardait le match de football France-Allemagne, dans un café. Le lendemain, voulant faire son marché, elle a constaté l’absence des marchands et s’est rendu compte que même les choses les plus simples de la vie n’étaient pas une évidence. Elle a eu peur de monter dans un autobus avec une femme portant la burqa ; de retrouver des gens à la messe du dimanche, puis les adultes auxquels elle enseigne. La lecture d’une lettre ouverte aux terroristes, écrite par le compagnon d’une des victimes, dans sa douleur et son humanité, lui ont donné la force de continuer à vivre.
Béatrice avoue, elle, que pour dominer sa peur et continuer à prendre le métro, elle n’y pense pas. « Mais je sais que ce n’est pas bien », croit-elle.
Quant à Camilla, qui a perdu un ami, tué par les terroristes, elle assure qu’une paix immense l’a envahie quand elle a compris qu’il fallait que la miséricorde soit sur elle. Elle sait qu’elle est pardonnée, et pense qu’il fallait qu’elle se sache pardonnée, pour pardonner à ces terroristes, comme si elle était capable de faire le mal qu’ils ont fait. « Viens, Seigneur, tourner mon regard vers une correspondance. Je suis une mendiante qui demande que la beauté soit présente dans ma vie. Ma vie, c’est le témoignage de cette beauté, sinon Guillaume est mort pour rien. »
Silvio évoque un sentiment d’impuissance, une peur que l’on veut oublier et la nécessité de trouver un chemin vers sa destinée. « Oublier ces faits, c’est s’oublier soi-même ».
« Ne pas oublier ? J’ai passé une journée sans y penser ! », rétorque Isabelle. Faire monter l’émotion, puis s’attacher à l’analyse, pour ensuite arriver à l’oubli, cela ne la scandalise pas. Malgré tout, les faits, petits ou grands, la ramènent à la réalité, comme la mère de famille qu’il faut aider à descendre sa poussette dans les escaliers du métro, ou la minute de silence avec ses élèves. Mais, sans un travail sur soi, même un fait aussi fort que ces attentats peut passer inaperçu. Le Christ a vaincu pour pouvoir dire cela, affirmait don Giussani : l’homme doit choisir entre le bien et le mal.
« Est-ce que je crois vraiment que le Christ a déjà vaincu ? » s’interroge Silvio.
Sara, qui s’est précipitée pour retrouver son jeune fils après le soir des attentats s’est demandé : « Paul, dans quel monde je te fais vivre ? » Avant de comprendre que la joie innocente de son fils venait de sa certitude d’être aimé complètement, et qu’elle aussi était aimée totalement, même si, selon elle, son mal était pareil à celui des tueurs, quand bien même elle n’avait tué personne.
Vivre, c’est répondre à la responsabilité qui est la nôtre, estime Silvio. Et quand, entre la réalité et moi, je fais glisser quelque chose qui n’a rien à voir avec moi ni avec la réalité, au bout, il y a la violence.
Pour Antonia, c’est vrai que notre vie tient à un fil. Ces événements ont suscité sa peur et sa colère, même si elle se rend compte que son humanité est l’humanité tout entière, et que, si le Christ compte les cheveux de tout le monde, il compte aussi les siens. Mais, quand elle entend « la vie continue », sa colère redouble. « J’ai la trouille », avoue-t-elle, tout en demandant au Seigneur de l’aider à supporter ce monde. Elle dit son envie de se réfugier dans un bunker ou à Brissogne, dans les montagnes du Val d’Aoste.
Proposition contre laquelle Marie-Michèle s’insurge : « Comment résister au terrorisme ? En tout cas pas dans un bunker ou dans un chalet à Brissogne ! Cela ne m’intéresse pas. »

Peur, impuissance, perception de la présence du mal en soi-même, mais foi dans la présence du Christ dans ce monde, et conscience de la beauté d’être aimé de Lui… Bien sûr que cela vaut la peine de vivre, même si beaucoup, ce soir, avaient le cœur blessé et, submergés par un sentiment d’impuissance, trouvaient avec difficulté la force de continuer.