Une conversion écologique

COP21 : des milliers d’experts prétendent changer le monde au Bourget. Quel sens donner à leur action ?
David Victoroff

La COP21 ? Pas évident de s’y intéresser pour quelqu’un qui a eu la chance de couvrir comme journaliste de grandes conférences internationales. Chaque fois des milliers de participants, ministres, hauts fonctionnaires, militants d’ONG, lobbyistes et journalistes s’agitent une à deux semaines pour tenter d’influencer l’avenir de la planète. Avec ces 193 pays représentés, cette vingt-et-unième conférence des parties (c’est la signification de COP21) a un goût de déjà vu.

Les enjeux sont pourtant immenses, nous dit-on. Si nous ne faisions rien, la terre se réchaufferait de plus de 2° d’ici 2050. Les catastrophes naturelles se multiplieraient et s’amplifieraient, la soif, les inondations, les famines, la pollution s’abattraient sur l’humanité comme les sept plaies d’Egypte. Et ce serait de notre faute à nous humains, surtout nous Européens et Américains du Nord qui mangeons à notre faim et nous vautrons dans un consumérisme honteux, ignorant ces milliards d’hommes qui au sud et à l’est se débattent dans la misère où nous les aurions plongés par égoïsme et cupidité.

Sans compter toutes ses bestioles, ces plantes, ces poissons qui vont disparaître victimes de notre voracité, de la déforestation, de la surexploitation des océans, de l’amoncellement de nos détritus. Bref l’homme serait seul coupable de la destruction de ce monde où il est de trop. Et paradoxalement, il serait aussi le seul à pouvoir prévenir l’apocalypse provoquée par son irresponsabilité.

Un chrétien ne peut se désintéresser de la nature et de son devenir mais il ne peut pas non plus croire que l’homme, par ses seules forces, puisse infléchir son destin. Notre religion n’est pas une idéologie du surnaturel comme certains se l’imaginent, mais au contraire une communion intime avec la nature dans sa réalité. En s’incarnant en Jésus Christ, « Dieu est entré dans le devenir du monde créé par lui » comme l’a si bien dit le métropolite Antoine Bloom (entretiens sur la foi et l’Eglise édité au Cerf). Dans une récente conférence donnée à Paris, l’archevêque de Milan, Angelo Scola, nous rappelait que les réalités terrestres ne sauraient être niées par les chrétiens car elles seront avec nous , transfigurés dans la résurrection de la chair. Et d’évoquer une symphonie des créatures dans leur diversité singulière et Jésus Christ comme la récapitulation de tous les êtres.

Pour le Chrétien, « le monde matériel n’est pas le fruit du hasard, la matière est aussi appelée à entrer dans un mystère de communion ; et il est possible de dire que le chrétien est le seul matérialiste conséquent et sérieux, le seul à croire en la matière, en ses possibilités infinies et insondables, en sa constante vocation d’entrer dans le mystère de Dieu » nous dit encore Antoine Bloom. Comme le pain et le vin deviennent le corps et le sang du Christ dans l’Eucharistie.

« Regardez les oiseaux du ciel…observez les lys des champs » demande le Christ (Mathieu 6) pour nous émerveiller par les beautés de la création mais aussi nous rappeler que nous valons beaucoup mieux qu’eux, replaçant l’homme au cœur du cosmos et dans sa dépendance à Dieu.

Alors, bien sûr, le christianisme est par essence écologique. Mais l’écologie n’est ni une idéologie, ni un sujet technocratique confisqué par des experts scientifiques ou des hommes politiques, mais une dimension de notre vie à chacun. Il est douteux qu’une conférence internationale, si pleine de bonne volonté soit-elle, puisse se substituer à une conversion, celle à laquelle nous appelle le Christ. Contempler la nature, respecter toute créature en commençant par l’homme, aimer la vie « de sa conception à sa fin naturelle » comme le dit encore Angelo Scola, implique des changements de comportement que l’homme ne peut accomplir de sa seule force, sans l’aide de Dieu qui donne un sens à toutes choses ; il nous faut faire nôtre le regard du Christ sur le monde. Faute de sens, la COP21 risque bien d’être décevante. Ce qui ne nous empêche pas de prier pour sa réussite, car après tout, l’Esprit souffle où il veut. Et pour notre conversion, car la promesse de Dieu est pleine d’espérance : « Les petits et les pauvres cherchent de l’eau, et il n’y en a pas ; leur langue est desséchée par la soif. Moi, le Seigneur, je les exaucerai, moi, le Dieu d’Israël, je ne les abandonnerai pas. Sur les hauteurs dénudées je ferai jaillir des fleuves, et des sources dans les ravins. Je changerai le désert en lac, et la terre aride en fontaines. Je mettrai dans le désert le cèdre et l’acacia, le myrte et l’olivier ; je mettrai dans les terres incultes le cyprès, le pin et le mélèze, afin que tous regardent et reconnaissent, afin que tous considèrent et découvrent que la main du Seigneur a fait tout cela, que le Dieu Saint d’Israël en est le créateur » (Isaïe 41 13 20).