« Zuppi ? Un père qui aime cheminer avec son peuple »

Le père Carrón, à la tête de CL, à Bologne pour son dernier livre
Luca Orsi, "Il Resto del Carlino"

Bologne accueille le père Julián Carrón, leader de Communion et Libération, alors que le débat sur l’avenir de l’Église bat son plein.

Monsieur le président, certains affirment que le pape François n’aurait pas eu de profonde incidence avec son programme de réformes, à deux ans et demi de son élection. D’autres, en revanche, considèrent que le changement est visible.
« Une réforme ne se fait pas d’un jour à l’autre. D’autre part, les changements en cours dans notre société sont historiques : nous sommes confrontés à des défis que nous n’aurions même pas imaginés il y a quelque temps. Il faut du temps pour juger à quel point ses réformes prennent racine dans le corps de l’Église et atteignent les hommes auxquels elles s’adressent. En tout cas, il me semble que certaines étapes constituent un point de non-retour dans la manière dont l’Église se propose aux hommes de notre temps. En s’appuyant sur le Christ, le Pape avance avec assurance et cela me remplit de joie. »

Les attaques de l’État Islamique risquent de créer un conflit entre les religions. Comment l’éviter ? Comment vivre le rapport avec l’islam en Italie ?
« Il ne me semble pas qu’au fond de la question il y ait un conflit entre les religions. Comme l’ont signalé les observateurs les plus différents, de Gianni Vattimo à Olivier Roy, il y a à l’origine le vide que vivent de nombreux jeunes musulmans ou européens convertis à l’islam, un vide qui pour certains débouche dans la violence. On ne peut répondre à ce vide que par une plénitude de vie, d’intensité, de force d’attraction. »

Comment affronter le phénomène apocalyptique de l’immigration? Comment conjuguer l’accueil et la miséricorde avec la sécurité ?
« Ce n’est pas à moi de distinguer comment résoudre le problème de la sécurité : il y a des personnes bien plus expertes que moi pour donner des suggestions pertinentes. Comme tout le monde, je perçois l’arrivée des réfugiés et des immigrés comme un rappel à vivre avec eux cette attitude d’accueil et de miséricorde dont nous avons été l’objet, nous les premiers. »

Certains voient une certaine froideur du Pape à l’égard de CL, un mouvement considéré peut-être plus que d’autres comme « éloigné » de la... ligne Bergoglio. Qu’en pensez-vous ?
« Cela ne nous intéresse pas de rivaliser les uns par rapport aux autres pour savoir qui est le plus proche de Bergoglio. Ce qui nous intéresse, c’est de prendre au sérieux les indications du Pape pour notre conversion, en particulier l’invitation qu’il nous a adressée sur la Place Saint- Pierre le 7 mars : “Centrés en Christ et dans l’Évangile, vous pouvez être les bras, les mains, les pieds, l’esprit et le cœur d’une Église ’en sortie’”, animés par la passion de communiquer à chaque homme la beauté de la foi. »

De plus en plus de citoyens s’éloignent de la politique. Comment inciter à s’engager (que l’on soit chrétien ou pas) ?
« C’est un signe de la crise que nous vivons, qui fait que de nombreuses personnes n’arrivent même pas à faire le pas de ce dernier lien avec la politique qu’est le fait de voter. L’abstention est un exemple de la difficulté à trouver des propositions qui parviennent à susciter un intérêt. Il faut une éducation pour redécouvrir que l’autre est un bien pour moi et que le bien de tous est une responsabilité pour chacun. »

À Bologne, après deux cardinaux proches de CL (Biffi et Caffarra), on change de trajectoire avec la nomination de Matteo Maria Zuppi. Qu’en pensez-vous ?
« Je ne le connais pas, mais les amis de Rome m’en parlent depuis longtemps comme d’un père qui aime cheminer avec son peuple, comme l’ont fait ses prédécesseurs sur la chaire de saint Pétrone. “Aimez-moi pour ce que je suis. Votre amour me changera.” Seul un pasteur qui croit à la méthode de Dieu peut écrire ces paroles pleines de sympathie en s’adressant à un diocèse qui lui est encore inconnu. »

Qu’est-ce que la « beauté désarmée » ?
« Saint Thomas d’Aquin dit que “la beauté est la splendeur du vrai” ; la vérité n’a pas besoin d’aides extérieures ou d’être imposée par la force, sa beauté lui suffit pour se communiquer. En ce moment, cela m’a paru un titre adapté pour apporter une contribution qui s’adresse de manière “désarmée” à la raison et à la liberté, sans forcer ni l’une ni l’autre. »

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